Chapitre 2 : préjugés (partie 1)

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee ma fidèle relectrice pour son excellent travail toujours autant apprécié.

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J’ai oublié de préciser que pour des raisons historiques, j’ai situé ma fiction en 1815 après tout Jane Austen n’a donné aucun indice sur la date exacte de son histoire. 😉


La sonate de l’amour

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Ce n’est pas l’amour qu’il fallait peindre aveugle, c’est l’amour-propre.

– Voltaire –

Chapitre 2 – partie 1 : préjugés

Fitzwilliam Darcy était en route pour faire sa visite annuelle chez sa tante, Lady Catherine de Bourgh. Comme sa tante était veuve, et depuis la mort soudaine de son père, il y avait cinq ans, c’était à lui que revenait la tâche de réviser les livres de compte de Rosings Park et de vérifier que tout était en ordre. Son cousin préféré, le colonel Richard Fitzwilliam, l’accompagnait régulièrement, du moins quand son devoir d’officier ne l’appelait pas ailleurs. Ils étaient partis de Londres dans la luxueuse berline capitonnée de Darcy, marquée du blason de sa famille. Le voyage ne prendrait que quelques heures. Son valet, Stanley, se trouvait dans une seconde voiture avec les bagages le convoi était escorté par des domestiques bien armés au cas où leur route croiserait des bandits de grand chemin. Fitzwilliam Darcy était un homme prévoyant qui ne laissait jamais rien au hasard.

Darcy, le plus taciturne des deux cousins, avait été peu loquace depuis qu’ils étaient partis dans la matinée, car il était très préoccupé par sa sœur Georgiana. Elle n’était âgée que de quinze ans et avait failli perdre la vie, il y avait quelques mois de cela. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il n’avait pu rejoindre son meilleur ami, Charles Bingley, dans le Hertfordshire à l’automne dernier, pour le conseiller dans la gestion du domaine que celui-ci venait de louer : Netherfield.

Il se sentait coupable d’avoir dû abandonner Charles sans plus d’explication qu’une maladie subite de sa sœur, mais Georgiana passait avant tout. Pour compenser sa défection, il avait envoyé son propre régisseur, jusqu’à ce que Charles engage le sien, pour le guider dans ses premiers pas, et il avait échangé quelques lettres n’hésitant pas à lui prodiguer des conseils et avis. C’était ce qu’il avait toujours fait depuis qu’il l’avait pris sous son aile à Cambridge où ils s’étaient connus mais après le décès de ses parents à quelques années d’intervalle, sa sœur était tout ce qui lui restait de leur famille, les Darcy de Pemberley, et il ne savait pas ce qu’il aurait fait si elle les avait rejoints, elle aussi. Il abhorrait la dissimulation, mais il ne pouvait pas tout raconter, même pas à son meilleur ami surtout à cause de ses commères de sœurs. Une parole maladroitement échappée et elles apprendraient un secret dont elles pourraient se servir – faire pression pour le faire épouser Caroline, par exemple – ; Darcy n’avait pas un brin de confiance en elles. Seul Richard était au courant de la véritable raison. Heureusement qu’il avait eu quelqu’un de confiance, celui qui partageait avec lui la tutelle de sa petite sœur chérie, à qui parler de la situation. Enfin, maintenant elle était hors de danger, du moins physiquement, car elle était encore si mélancolique.

C’était donc contre son propre désir qu’il avait fait ce voyage, mais l’annuler aurait soulevé trop de questions de la part de sa tante qui était de nature très curieuse et surtout trop envahissante. Et puis son médecin particulier et Mrs Annesley, la dame de compagnie de Georgie – comme il la surnommait intimement -, l’avaient assuré que ce serait mieux maintenant pour elle de se séparer un peu de lui. En effet, la jeune fille ressentait de l’inquiétude et de la culpabilité chaque fois qu’elle regardait ce frère qu’elle admirait tant, et cela ne l’aidait pas forcément à sortir de sa mélancolie malgré tout l’amour que lui portait son aîné. Darcy était resté avec sa sœur à Pemberley depuis l’incident et grâce à cela avait pris de l’avance dans la gestion du domaine, notamment sur la planification des plantations printanières. Il s’était donc rendu dans le Kent un peu plus tôt que prévu. Sur le chemin, il avait confié sa sœur à son oncle et sa tante qui passaient la saison à Londres et avait récupéré son cousin, le colonel Fitzwilliam.

– Vous me semblez bien sombre, cousin, déclara Richard assis en face de lui.

– Cela me contrarie de laisser Georgie seule.

– Mais elle n’est pas seule. Entre mes parents, ma sœur et sa dame de compagnie, elle est bien entourée.

– Oui je le sais bien, mais je ne serai pas auprès d’elle, Richard.

– Darcy, il est peut-être temps d’arrêter de la surprotéger maintenant qu’elle est tirée d’affaire.

– Mais elle encore si fragile… dit-il en se massant les tempes, comme pour chasser de mauvais souvenirs.

– Elle ira de mieux en mieux, le colonel voulait se montrer rassurant.

– J’espère que vous avez raison.

Quelques minutes s’écoulèrent dans un silence contemplatif. Darcy regardait sans voir le paysage défiler par la fenêtre et le colonel décida de taquiner son compagnon de route pour le sortir de ses idées noires.

– Au moins la visite vous offrira un peu de distraction, dit-il d’un air taquin.

– Que voulez-vous dire ? Darcy le regarda, perplexe.

– Vous aurez encore à esquiver les tentatives de notre chère tante à vous mettre la corde autour du cou, répondit-il avec un sourire moqueur.

– Ah, ne m’en parlez pas ! Quand va-t-elle enfin comprendre que je n’épouserai jamais Anne ? C’est exaspérant, il leva les yeux au ciel.

– Ce ne serait peut-être pas si mal, vous seriez ainsi à la tête de deux grands domaines, le taquina-t-il.

– Vous n’y pensez pas Richard ! Je n’ai jamais vu Anne comme un homme regarderait une femme, et puis elle a une santé si délicate. Enfin et surtout, je ne désire pas me marier par convenance et sans amour. J’aimerais tant connaître un mariage heureux comme celui de mes parents.

– Vous êtes conscient que c’est plutôt rare dans notre milieu ? dit Richard en le regardant sérieusement, cette fois.

– Oui, mais pas impossible.

– Pourtant, cela fait combien de temps que vous participez aux saisons à Londres sans avoir trouvé la perle rare ? Richard étira ses jambes engourdies en évitant celles de Darcy.

– Je sais bien, mais elles sont toutes pareilles. Il y en a de très belles, certes, mais sans trait d’esprit et toujours à minauder et à me flatter, il battit des cils en imitation. Elles et leur mère ne pensent qu’à marier le maître de Pemberley, aux relations et à la fortune qui vont avec. Elles se moquent bien de l’homme que je suis, termina-t-il dépité.

– Comme Miss Bingley, par exemple ? dit Richard malicieusement.

– Ah, ne me parlez pas d’elle, dit-il en secouant la tête, c’est l’une des plus tenaces ! Six ans maintenant que j’essaie de lui faire comprendre que je ne suis pas intéressé, que pour moi, elle n’est que la sœur de mon meilleur ami et que je ne la tolère qu’en tant que telle.

– Pauvre Darcy, pourchassé par les femmes ! railla-t-il.

– Vous pouvez bien vous moquez, je vous assure que cela n’a rien de drôle quand vous êtes la proie, dit-il en faisant une sorte de moue.

– Allez cousin, cela n’a rien de si terrible, il lui donna un coup de genou.

– Jusqu’au jour où l’une d’entre elles réussira à me compromettre.

– Mais vous êtes très prudent, alors ça n’arrivera pas, l’officier tenta de le rasséréner.

– Espérons-le, dit Darcy en triturant sa chevalière.

Quand ils arrivèrent à Rosings, Lady Catherine était en train de discuter avec son pasteur du sujet de son prochain sermon. Darcy éprouva aussitôt de l’antipathie envers l’homme. Il portait la tenue noire et classique d’un homme d’église. Il devait être proche de la trentaine d’années, était de stature moyenne et déjà un peu bedonnant, ses cheveux étaient châtains et des petits yeux de fouine presque noirs paraissaient s’enfoncer dans son visage rond, sa tête inclinée en signe de soumission. Les présentations furent faites, le petit homme s’anima et se courba tellement pour les saluer que Darcy crut qu’il allait tomber en avant. Il entama un monologue obséquieux, interrompu rudement par leur hôtesse qui s’enquit de leur santé et leur voyage. Darcy avait déjà envie de repartir, mais c’était un homme d’honneur, donc avec le sens du devoir. On leur annonça ensuite que le lendemain, des invités viendraient prendre le thé.

C’est ainsi que le jour suivant, Darcy vit arriver cinq personnes, le pasteur en tête. Il était accompagné par un autre homme et trois femmes. D’après les présentations il apprit que l’homme était son beau-père, un certain Sir William Lucas, la plus jeune des filles était Maria Lucas, la sœur de sa femme Charlotte présente également. Il y avait enfin une brunette dénommée Elizabeth Bennet, cousine du pasteur et amie de sa femme. Mais où avait-il déjà entendu parler du nom de Bennet ?

Darcy pensa que la visite risquait d’être pénible si le reste de la compagnie était des relations du ridicule pasteur. Il les observa négligemment. De par leurs vêtements ils montraient leur appartenance à la petite gentry, à savoir des tenues soignées d’une certaine qualité, mais pas luxueuses. La plus jeune des filles avait l’air terrifiée et avait trébuché légèrement en faisant sa révérence. Son père et sa sœur, l’épouse du pasteur, étaient visiblement intimidés par sa tante. Mr Collins était toujours aussi flagorneur. Quant à Miss Elizabeth Bennet, il nota qu’elle l’observait avant d’être rappelée à l’ordre par Mrs Collins. « Probablement encore une chasseuse de fortune. Si ma tante les invite régulièrement ici, ce séjour promet d’être des plus ennuyeux et déprimants. »Pensa-t-il en soupirant intérieurement, juste avant d’entendre la remarque indélicate de Lady Catherine au sujet du rejet d’une proposition de mariage de la part du pasteur par cette demoiselle Bennet, « au moins elle a un peu de bon sens », songea-t-il.

Le thé fut servi autour d’une discussion orchestrée par sa tante. Darcy resta en observateur, mais n’en pensa pas moins.

« Visiblement, Lady Catherine n’a pas l’air d’apprécier Miss Bennet puisqu’elle les avait choisis, elle et sa famille, comme cibles de ses critiques. »

« Tiens, le pasteur est l’héritier du domaine des Bennet ? Et elle a quand même refusé son offre de mariage ? Probablement qu’elle vise plus haut, l’ambitieuse, mais je ne serai pas l’idiot qui l’épouserait ! »

– Mon père est en excellente santé, je vous remercie.

« Bien répondu. Je dois avouer qu’elle a eu de l’esprit avec cette réponse, une façon délicate de remettre ma tante à sa place. Étonnant qu’elle ne se laisse pas impressionner par ce vieux dragon, c’est bien la première fois que je vois ça. »

– Et que faites-vous de la bonne entente entre sœurs, ma tante ? Si les aînées ne désirent pas se marier tôt, il serait injuste de priver les plus jeunes d’amusements.

« Et voilà Richard qui se met du côté de la demoiselle en détresse, … enfin, pas si en détresse que cela. ».

– Que dîtes-vous là mon neveu ? Vous savez bien que dans la bonne société londonienne, il est de bon ton de pratiquer autrement ! Qu’en pensez-vous, Darcy ?

« Lady Catherine peut se montrer si rude par moment ! Mais elle a raison, cinq filles qui sortent dans le monde en même temps, c’est impensable. A quoi pensent donc les parents ? Et bien sûr, il faut qu’elle me demande mon avis ! N’aurait-elle pas pu m’oublier ? Que vais-je répondre ? …»

– Darcy ? Vous dormez parbleu !?

« Je préfère dire la vérité, même si ce n’est pas très délicat. »

– Eh bien… Je suis tout à fait d’accord avec vous.

– Je pense que Sa Grâce a parfaitement raison. Que deviendrait la bonne société si chacun n’en faisait qu’à sa tête ? Vos parents, ma chère cousine, devraient prendre en considération les conseils avisés que la condescendance de Sa Grâce a la bonté de vous octroyer et…

« Et le pasteur qui accable sa propre famille, incroyable ! »

– Comment avez-vous trouvé le presbytère, Sir William ?

– Très bien, Votre Grâce, c’est une très jolie maison.

– C’est moi qui ai fait réaliser tous les aménagements avant que votre gendre ne s’y installe.

« Ah, ma tante aime tellement montrer sa générosité.»

– Formidable … Formidable, excellent !

« Cet homme me fait un peu penser à Charles : un bienheureux. »

– Georgiana pratique-t-elle toujours assidûment son pianoforte, Darcy ?

« Georgie… oh non ma tante, ne parlez pas d’elle ! surtout devant des étrangers, si vous saviez… Je dois être le plus succinct possible. »

– Oui… tout à fait.

– Et vous Miss Elizabeth, jouez-vous d’un instrument ?

– Oui, du pianoforte, mais très mal.

– Voudriez-vous en jouer un morceau pour nous ?

– Très bien Votre Grâce.

« Ouf ! un peu de musique, voilà une bonne distraction. »

– Permettez-moi de vous tourner les pages, Miss Elizabeth.

« Et maintenant Richard va lui tourner les pages, quel charmeur ! »

– J’étais très insatisfaite que Georgiana ne soit pas venue, va-t-elle mieux ?

« Oh, non, pas encore ! Autant rester au plus près de la vérité. »

– Oui, ma tante, elle se rétablit lentement mais sûrement.

– Vous devriez consulter le médecin d’Anne pour avoir un autre avis.

« Vu, comment Anne se porte, ce n’est peut-être pas une bonne idée, et puis pour qu’il vienne tout vous raconter… »

– Merci, mais c’est inutile. Elle est déjà sur le chemin de la guérison, c’est juste une question de temps.

L’attention de Darcy n’était pas totalement focalisée sur sa tante. A l’autre bout de la salle son cousin et la brunette semblaient être en train de discuter aimablement.

« Richard et Miss Bennet ont l’air de bien s’entendre, mais qu’est-ce qu’ils peuvent bien se raconter ? J’aimerais tant être si à l’aise que lui en société avec les étrangers… Il faut qu’il fasse attention de ne pas soulever des attentes, surtout si c’est une arriviste. Enfin, elle comprendra vite qu’il n’est que le fils cadet du comte et qu’il n’est donc l’héritier ni du titre ni de la fortune de Matlock. Elle va sans doute perdre tout intérêt envers lui. »

– Vous manquez de pratique, Miss Elizabeth, votre technique manque de précision.

« Merci de les interrompre, ma tante. Mieux vaudrait que ce petit tête-à-tête ne continue pas. »

– Peut-être, mais je trouve qu’elle joue avec émotion.

« Ah, Richard… faites attention de ne point trop la flatter !… J’en ai assez, pourvu que cette réunion se termine au plus vite. »

La prochaine fois vous aurez la 1ère véritable interaction entre Lizzie et Darcy, en attendant vous pouvez toujours me laisser un petit commentaire -)

Chapitre 2 suite

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