Chapitre 1: nouvelles rencontres
La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.
O&P
Un grand merci à Lenniee pour son travail de relecture à la recherche des erreurs.
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Ce premier chapitre va planter le décor, tout en expliquant la première conséquence de l’absence de Darcy lors de l’installation de Bingley à Netherfield. Dans cette fiction j’ai voulu respecter (du moins je l’espère) le caractère original des personnages.
La sonate de l’amour
La raison, le jugement, viennent lentement, les préjugés accourent en foule.
– Jean-Jacques Rousseau –
Chapitre 1 : nouvelles rencontres.
C’était une belle journée de printemps, Elizabeth Bennet, surnommée Lizzie par sa famille, était heureuse car elle avait retrouvé sa meilleure amie Charlotte Collins après plusieurs mois de séparation. Lizzie était venue accompagnée par le père et la petite sœur de Charlotte, Sir William et Maria Lucas. Charlotte avait épousé un pasteur l’hiver dernier, Mr William Collins, un distant cousin d’Elizabeth qui en était encore étonnée même si sa déception s’était estompée depuis. Son cousin était, certes, un homme honorable avec une belle situation, mais il était si ridicule ! En effet, il était empreint d’une servilité tout en possédant une haute opinion de sa personne, et encore plus de sa protectrice, Lady Catherine de Bourgh, dont il ne tarissait pas d’éloges. Et puis, que dire de la proposition de mariage faite à Charlotte seulement trois jours après qu’il avait demandé la main de Lizzie en lui jurant des sentiments les plus ardents ?
Eliza, comme l’appelait intimement Charlotte, avait été tellement déçue et surprise par l’acceptation de son amie, non pas qu’elle fût jalouse, puisqu’elle avait rejeté son cousin, ne l’aimant point. La jeune femme s’était juré de n’épouser qu’un homme qu’elle admirerait uniquement par amour, un amour profond, sincère et réciproque, donc autant se dire qu’elle risquait de finir vieille fille, car les chances en étaient minces. Quant à son cousin, elle tolérait à peine d’être en sa présence ; au mieux sa grandiloquence lui apportait de l’amusement, au pire de l’agacement. Charlotte lui avait alors expliqué son point de vue : elle avait déjà vingt-sept ans et n’était ni jolie, ni très dotée, et savait que ses chances de faire un mariage respectable étaient quasi inexistantes. Elle ne pouvait donc pas se permettre de refuser celle-ci, ce serait son unique opportunité de fonder un foyer avec un homme honorable, et puis au contraire d’Eliza, elle n’avait jamais eu un esprit romanesque. Pour elle, être heureuse en mariage n’était qu’une question de chance, alors autant en savoir le moins possible sur les défauts du futur conjoint. Enfin, elle ne souhaitait pas rester à la charge de ses parents ou ensuite de l’un de ses frères, être la maîtresse de sa propre maison était donc primordial à ses yeux.
Dès le lendemain de leur arrivée, Mr Collins eut le plaisir d’annoncer, avec effet, qu’ils étaient tous invités pour le thé, l’après-midi, dans la noble demeure de Lady Catherine. Le petit homme se gonflait d’importance devant ses invités, car il y aurait aussi les deux neveux de la grande dame, dont l’un d’eux n’était autre que le fils cadet du Comte de Matlock et l’autre était promis à Miss de Bourgh. En quelque sorte, c’était grâce à lui qu’ils auraient ce très grand honneur de prendre une collation en si estimable compagnie.
O&P
C’est ainsi qu’à l’heure du thé toute la compagnie se rendit à pied au manoir des de Bourgh, qui se situait à environ un demi-mile (1) du presbytère. Mr Collins rassura sa cousine sur la simplicité de sa tenue, étant donné que Sa Grâce tenait particulièrement à ce que les rangs soient bien distingués et respectés, ce qui exaspéra Lizzie et ne la rassura point sur le caractère de leur hôtesse.
Ils abordèrent les jardins de Rosings situés sur le devant du manoir. Ils étaient parfaitement entretenus, des topiaires aux formes géométriques diverses et bien taillées se répartissaient de chaque côté de l’allée centrale gravillonnée, ainsi que des vases et des statues de pierre montés sur des socles. Le pasteur ne manqua pas d’étaler, une fois de plus, la grandeur des lieux.
– Les jardins sont entretenus par non moins de trente-deux jardiniers et aides jardiniers. Le vitrage des soixante-quatre fenêtres a coûté à lui seul plus de six cents livres !
La maison était un splendide exemple de l’architecture élisabéthaine (2) du XVIe siècle. Ils traversèrent un ensemble de pièces et de couloirs décorés dans un style inspiré du rococo. On pouvait y trouver des meubles en acajou massif de Thomas Chippendale (3) exposant une exubérance dans leur ornementation de la courbure des formes de la nature, mais aussi des sculptures de Grinling Gibbons (4) représentant, notamment, des natures-mortes grandeur nature qui encadraient de grands miroirs et des cimaises dorés à l’or fin, ou encore du mobilier en bois de tilleul et des placages figuratifs. L’ensemble, très chargé et ostentatoire, créait une atmosphère pesante, voire étouffante, pas du tout au goût de Lizzie. Par contre ses compagnons avaient la bouche bée d’admiration tant ils étaient impressionnés par le luxe qui les entourait. Sir William et surtout Maria, qui redoutait de rencontrer pour la première fois la maîtresse des lieux dont la réputation l’avait précédée, en étaient tout intimidés.
Enfin, ils furent introduits dans le salon où se tenaient cinq personnes : trois dames assises et deux hommes qui venaient de se lever par politesse. Il y avait des tapis, des tapisseries et des tableaux partout. Cette pièce était décorée dans le style baroque dans toute sa splendeur et offrait une impression encore plus suffocante que le reste des pièces traversées. Au milieu de différentes bergères, une récamière et deux canapés, se tenait un trône. Il n’y avait pas d’autre mot pour désigner le majestueux fauteuil, richement décoré de sculptures dorées. Il était surélevé sur une petite estrade, permettant ainsi à sa propriétaire de dominer en toisant ses invités.
C’était une femme d’une soixantaine d’années à l’air sévère, habillée d’une toilette en soie de couleur aubergine, de dentelles onéreuses et parée de bijoux imposants : un collier et des boucles d’oreilles en or et améthystes. Elle tenait un éventail et portait une perruque volumineuse grise comme l’on portait plutôt à la fin du siècle dernier, il ne manquait que la crinoline. Ses yeux étaient bleus et perçants.
Mais la personne qui attira le plus le regard de Lizzie fut un homme situé debout sur la droite de Lady Catherine. Il était très grand et viril, avec de larges épaules que ne cachait pas sa redingote bleu nattier (5). Des cuisses longues et musclées étaient bien dessinées sous sa culotte moulante en daim couleur peau qui disparaissait dans des bottes en cuir noir et bien lustrées. Ses beaux cheveux étaient noirs, épais et bouclés, tout comme les petits favoris qui encadraient ses mâchoires assez carrées. Enfin, des yeux apparemment bleu marine ornaient son visage à l’expression totalement neutre comme s’il arborait un masque. Ses traits étaient affirmés dans une masculinité, mais ils étaient aussi raffinés et respiraient la noblesse, impression renforcée par un port de tête altier et une cravate d’un blanc immaculé, liée dans un nœud impeccable. Ses mains étaient cachées derrière son dos et il portait le poids de son corps sur sa jambe droite, laissant la gauche légèrement pliée.
Quelle prestance !
La jeune Bennet sentit son cœur passer un battement, elle n’avait jamais vu un si bel homme auparavant et n’avait jamais été aussi troublée, surtout à première vue, par un représentant de la gente masculine. Charles Bingley, son futur beau-frère, ni même le lieutenant Wickham, dont elle avait fait la connaissance à l’automne dernier, n’étaient aussi beaux et ne lui avaient fait de si forte impression. Seul dommage, son regard était froid et hautain.
Perdue dans sa contemplation, Lizzie n’avait pas remarqué que les présentations avaient déjà été commencées et que c’était son tour. Charlotte lui donna discrètement un coup de coude pour la ramener à la réalité. Comprenant vite la situation, elle s’empressa de saluer en faisant sa révérence alors qu’elle entendit Lady Catherine s’adresser à son cousin en parlant d’elle comme si elle n’était pas présente :
– Miss Elizabeth Bennet ! Voilà donc l’ingrate cousine qui a décliné votre main, Mr Collins.
– Euh… oui Votre Grâce, répondit celui-ci en courbant fortement l’échine.
Lizzie fut interloquée par la grossièreté de sa remarque, surtout pour une introduction, ainsi que par le manque de délicatesse envers Charlotte en sous-entendant qu’elle n’était qu’un second choix, et tout ceci devant des inconnus pour elle. Elle allait rétorquer par un trait d’esprit lorsqu’elle remarqua que le deuxième homme bougea et fronça les sourcils en désapprobation, d’elle ou de Sa Grâce ?
C’était un militaire, un officier d’après son bel uniforme rouge. Un homme assez grand mais plus petit que son voisin, viril aussi, blond, des yeux bleu azur devenus chaleureux lorsqu’ils croisèrent son regard, ce n’était donc pas elle qu’il désapprouvait. Il n’était pas aussi beau que le brun, tant s’en fallait, mais il était très charmant dans sa physionomie. Instinctivement elle observa la réaction du brun, il n’en montra aucune et resta de marbre, immobile comme une statue, à tel point qu’Elizabeth se demanda avec amusement s’il ne faisait pas partie du décor. Elle laissa échapper un petit rire qu’elle déguisa à l’aide d’une fausse toux, s’attirant un regard désapprobateur de la lady.
Lady Catherine, ne laissant pas le temps à qui que ce fût de prendre la parole, poursuivit aussitôt pour présenter sa fille Anne et ses deux neveux : le brun était donc Mr Darcy de Pemberley dans le Derbyshire. Il inclina légèrement la tête pour saluer les nouveaux venus. « Alors il est bien vivant ! », se dit Lizzie en souriant intérieurement, mais elle remarqua qu’il ne prononça aucun mot, était-il donc muet ? Le blond était le colonel Fitzwilliam, fils cadet du comte de Matlock, il salua également de la tête, mais ajouta quelques mots de bienvenus.
– Colonel Fitzwilliam, pour vous servir.
La maîtresse des lieux ne présenta même pas celle qui était apparemment la dame de compagnie de sa fille. « Quel respect ! » se dit ironiquement Lizzie qui se demanda aussi où avait-elle déjà entendu parler du nom de Darcy ?
Les trois filles furent installées dans l’un des canapés, tandis que Sir William et Mr Collins occupèrent le deuxième, et les deux neveux prirent chacun une bergère, les plaçant tous en vis-à-vis les uns des autres.
Lady Catherine demanda à Mrs Jenkinson – c’était donc le nom de la dame de compagnie de Anne De Bourgh – de sonner pour qu’on servît le thé et le dialogue, ou plutôt l’inquisition, commença et la cible en était la demoiselle Bennet.
– Mr Collins m’a appris que vous avez quatre sœurs et que vous avez déjà toutes été présentées dans la société, comme c’est singulier ! Quel âge ont-elles exactement?
– Ma sœur Jane qui est l’aînée a vingt-trois ans et Lydia, la plus jeune, quinze.
– Déjà sortie dans le monde à quinze ans ! Ainsi donc les plus jeunes sortent avant que leurs aînées ne soient mariées ! s’exclama la lady étonnée et avec un ton réprobateur.
– Jane est fiancée, se défendit Lizzie.
– Oui, mais pas les autres, y compris vous-même à cause de votre manque de discernement ! Je me demande bien ce qu’a pu penser votre père pour vous avoir laissée refuser une offre de mariage aussi généreuse de la part de votre cousin ? Après tout, le domaine de Longbourn lui reviendra par substitution et cela aurait permis à votre mère, ainsi qu’à vos sœurs encore non mariées, de s’assurer un toit si votre père venait à trépasser.
– Mon père est en excellente santé, je vous remercie, répondit la jeune femme avec un grand sourire, mêlant le charme au sarcasme.
– Et que faites-vous de la bonne entente entre sœurs, ma tante ? Si les aînées ne désirent pas se marier tantôt, il serait injuste de priver les plus jeunes d’amusements, intervint le colonel Fitzwilliam.
Ses mots surprirent Lizzie de voir qu’il défendait sa famille et elle lui en fut reconnaissante. Elle lui adressa un sourire de gratitude qu’il lui retourna. Le colonel gagnait visiblement à être connu. Mais la grande dame ne comptait pas en rester là.
– Que dites-vous là mon neveu ? demanda-t-elle offusquée, Vous savez bien que dans la bonne société londonienne, il est de bon ton de pratiquer autrement ! Qu’en pensez-vous, Darcy ?
– …
– Darcy ? Vous dormez parbleu !?
– Eh bien… Je suis tout à fait d’accord avec vous, Lady Catherine, répondit ce dernier qui parut mal à l’aise et après ce qui semblait une petite hésitation.
La statue venait de parler pour la première fois, le timbre de sa voix grave était riche et agréable, mais ses paroles firent perdre l’avantage de sa beauté à son propriétaire. Et évidemment Mr Collins s’en mêla.
– Je pense que Sa Grâce a parfaitement raison. Que deviendrait la bonne société si chacun n’en faisait qu’à sa tête ? Vos parents, ma chère cousine, devraient prendre en considération les conseils avisés que la condescendance de Sa Grâce a la bonté de vous octroyer et…
– Comment avez-vous trouvé le presbytère, Sir William ? Le coupa Lady Catherine, en changeant complètement de sujet.
– Très bien, Votre Grâce, c’est une très jolie maison.
– C’est moi qui ai fait réaliser tous les aménagements avant que votre gendre ne s’y installe.
– Formidable … formidable, excellent !
– Georgiana pratique-t-elle toujours assidûment son pianoforte (6), Darcy ? La lady changea encore de sujet, elle montrait ainsi clairement que c’était elle qui donnait le ton de la conversation, ne laissant aucun choix à ses invités qui avaient plutôt l’air de sujets.
– Oui… tout à fait, répondit-il après avoir eu une autre hésitation presque imperceptible.
– Et vous Miss Bennet, jouez-vous d’un instrument ?
– Oui, du pianoforte, mais très mal.
– Voudriez-vous en jouer un morceau pour nous ?
Cette question était purement rhétorique et Lizzie pensa : « Par pitié, non ! Mais je ne peux me défiler, pas après les attaques faites à ma famille. Et au moins cela m’éloignera du dragon. »
– Certainement Votre Grâce, dit-elle en se dirigeant résolue vers l’instrument.
– Permettez-moi de vous tourner les pages, Miss Bennet, offrit le colonel avec un air charmant.
– Avec plaisir colonel, lui répondit-elle en souriant.
Lady Catherine demanda alors à Darcy :
– J’étais fort mécontente que Georgiana ne soit point venue, va-t-elle mieux ?
– Oui, ma tante, elle se rétablit lentement mais sûrement.
« Alors il a une sœur malade » se dit Lizzie en s’éloignant avec le colonel.
– Vous devriez consulter le médecin d’Anne pour avoir un autre avis.
– Merci, mais c’est inutile. Elle est déjà sur le chemin de la guérison, c’est juste une question de temps.
Pendant ce temps-là, Elizabeth s’installa sur le banc devant le pianoforte et le colonel vint s’asseoir à côté d’elle à distance respectable. Elle fouilla parmi les partitions de musique à disposition et en choisit une qu’elle avait déjà eu l’occasion de jouer : un menuet de Mozart. Aidée par le colonel, elle disposa les feuilles de papier sur le pupitre devant elle, se délassa les doigts pour les assouplir, prit une grande inspiration, puis commença à jouer. L’officier ne tarda pas à lui parler suffisamment bas pour n’être entendu que par elle.
– Veuillez bien vouloir excuser le manque de délicatesse de ma tante, Miss Bennet, il avait l’air contrit.
– N’ayez crainte, colonel, c’est déjà oublié.
– Vous avez une nature généreuse, dit-il en souriant.
– Et vous, de même.
– Toutes vos sœurs sont-elles aussi charmantes que vous ?
– Jane, l’est encore davantage, c’est un ange de bonté et elle est si belle.
– Est-ce possible ? Car le spectacle que j’ai devant moi est déjà si ravissant.
– Vous êtes un charmeur, colonel Fitzwilliam, dit-elle en rougissant légèrement.
– C’est facile avec une jolie femme, ajouta-t-il avec un regard lumineux.
– Dites-moi colonel, avez-vous participé à de grandes batailles ? se sentant rougir de plus en plus, elle décida qu’il était plus sage de changer de sujet.
– J’ai fait la campagne dans la péninsule ibérique, notamment aux Arapiles (7), son expression devint plus sombre.
– Cela a dû être terrible, Lizzie s’en voulut un peu de raviver des souvenirs à l’évidence très pénibles.
– Vous n’avez pas idée, mais c’était mon devoir et cela m’a valu mes galons de colonel, il tourna une page sur un signe de tête de Lizzie.
– Mr Darcy et vous, êtes cousins ?
– Exactement, sa défunte mère était la plus jeune sœur de mon père et de Lady Catherine.
– Vous ne vous ressemblez pas du tout.
– Non en effet, pourtant je considère Darcy comme mon frère.
Lady Catherine qui avait remarqué que son neveu et Miss Bennet étaient en grande conversation, les interrompit. Elle détestait ne pas être le centre des attentions.
– Vous manquez de pratique, Miss Bennet, votre technique est totalement dénuée de précision.
– Peut-être, mais je trouve qu’elle joue avec émotion, intervint le colonel.
– L’émotion, l’émotion, ce n’est pas le plus important ! Je sais, en tant que grande connaisseuse, que la pratique de la musique exige d’être méticuleux et assidu, puis elle se tourna vers Charlotte. Dites-moi, Mrs Collins, avez-vous modifié vos commandes chez le boucher comme je vous l’avais préconisé ? elle avait de nouveau changé de sujet.
– Oui, tout à fait, Votre Grâce, répondit Charlotte respectueusement.
– Nous suivons scrupuleusement les recommandations que Sa Grâce a la bienveillance de nous prodiguer de par sa grande sagesse et… commença à flatter le pasteur.
– Parfait, vous ferez ainsi des économies.
Elizabeth pensa : « Quelle ingérence ! Faut-il donc qu’elle se mêle de tout et de tous ? C’est insupportable. »
Ainsi, la conversation se poursuivit dirigée par Lady Catherine qui se prenait pour son homonyme, La Grande de Russie, à gouverner son petit monde et à s’ingérer dans les affaires des autres. Mais là, elle était tombée sur un os, car Lizzie n’entendait pas se laisser faire à l’avenir.
Lizze n’était pas mécontente de rentrer au presbytère. La seule bonne surprise avait été le colonel Fitzwilliam avec ses bonnes manières et son air charmant. Elle souhaitait le connaître davantage. Par contre son cousin avait été une déception, un physique si agréable, mais son dédain à entretenir la discussion avec des étrangers était à la limite de l’incivilité, il n’avait fait que parler, ou plutôt répondre, à sa tante. Elizabeth avait ressenti de sa part du mépris non seulement envers elle, mais également envers les Collins et les Lucas.
O&P
En attendant l’heure du souper, Sir William était en discussion avec Mr Collins qui parlait en long et en large de la magnificence de Rosings et de ses occupants. Elizabeth, Charlotte et Maria en profitèrent pour se retrouver dans le petit salon afin d’échanger leurs impressions.
– J’étais terrifiée par Lady Catherine, elle était si impressionnante et si intimidante ! s’exclama Maria.
– Oui, c’est vrai. J’étais comme vous la première fois que je l’ai rencontrée, admit sa sœur, par contre vous n’avez pas eu l’air aussi intimidée, Eliza.
– Je vous accorde qu’elle en impose, mais en fait, cela m’a plutôt amusée.
– Amusée, comment donc ? demanda Charlotte étonnée.
– Entre sa tenue démodée et son trône, j’avais l’impression de voir un de ces tableaux du siècle dernier. Ne trouvez-vous pas que cela frisait le ridicule ?
– Surtout, ne vous avisez jamais de dire cela devant Mr Collins, répondit Charlotte entre amusement et inquiétude.
– Ne vous alarmez pas Charlotte, je sais depuis longtemps que mon cousin vénère Sa Grâce, rassura Lizzie, mais aussi avec une pointe de moquerie.
– Elle a fait beaucoup pour nous, vous savez, que ce soit pour notre installation ici ou pour ses conseils.
– Mais n’est-ce pas de l’ingérence dans vos affaires personnelles ? Lizzie se rappelait le commentaire au sujet du boucher.
– Il faut bien faire quelques concessions pour rester dans ses bonnes grâces.
– Je ne pourrais pas tolérer cela, répondit Eliza avec impétuosité.
– Vous avez toujours eu un esprit d’indépendance, Eliza, moi je suis plus pragmatique, se défendit son amie.
– Mais je ne vous en apprécie pas moins pour autant, Lizzie posa sa main sur le bras de Charlotte pour donner plus de poids à ses mots. Elle sentit, une fois de plus, que son impulsivité et sa franchise avaient pu blesser son amie.
– Merci. Après tout, nous avons le droit d’être différentes. Et que pensez-vous de ses neveux ? demanda-t-elle avec un brin de malice dans ses yeux. Elle avait bien noté la réaction d’Elizabeth en voyant le beau brun, et ensuite la camaraderie qui s’était formée aisément avec le soldat.
– Le colonel Fitzwilliam est un homme fort charmant, quant à Mr Darcy… il est si hautain et distant !
– Mais Mr Darcy est un très bel homme, ne trouvez-vous pas ? s’exprima Maria.
– Oui, mais la beauté ne fait pas tout, il nous a écrasés de son mépris en ne nous adressant aucune parole ni même un petit sourire par simple politesse. Le colonel est peut-être moins beau que son cousin, mais il est beaucoup plus agréable et donne envie de le connaître davantage. Et Miss de Bourgh, est-elle toujours aussi éteinte ? demanda Eliza.
– Oui, sa santé est si fragile, on ne l’entend presque jamais.
– Il faut dire aussi, que ce doit être difficile de s’exprimer avec une mère si… présente, dit Lizzie en laissant échapper un petit rire que Maria partagea.
– En parlant de mères, j’imagine que la vôtre doit être ravie du futur mariage de Jane avec Mr Bingley.
– Ah, ne m’en parlez pas ! La maison était en révolution lorsqu’elle l’a appris. Imaginez donc, toutes les toilettes, les bijoux et les voitures que Jane va avoir, elle imita sa mère en prenant sa voix haut perchée, faisant rire ses deux compagnes. Et elle est allée répandre aussitôt la grande nouvelle de sa bonne fortune à tout le voisinage.
– Maman m’a écrit qu’elle s’était réconciliée avec elle depuis cette bonne nouvelle.
– Oui et c’est une bonne chose.
La mère de Lizzie avait été en froid avec les Lucas à l’annonce des fiançailles de Charlotte avec l’héritier de Longbourn, car elle ne supportait pas l’idée que Charlotte pût être la future maîtresse de sa maison et l’en chasser à la mort de Mr Bennet. Ce différend fut oublié dès lors que Jane avait pu sécuriser la main d’un riche gentleman les mettant ainsi tous à l’abri de se retrouver à la rue.
Les deux amies continuèrent ainsi de discuter jusqu’au moment de se préparer pour le repas.
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Le soir dans son lit, avant de s’endormir, Elizabeth songea à sa famille restée dans le Hertfordshire, comté où se situait Longbourn, le domaine familial, près du village de Meryton. Elle pensa surtout au bonheur de sa sœur aînée Jane : Mr Charles Bingley venait de demander officiellement sa main et le mariage était prévu en juin. Depuis la Saint-Michel ce jeune homme avait pris un bail à Netherfield, dans le voisinage, qui était le plus grand domaine avant Longbourn.
Jane et Mr Bingley étaient tombés amoureux au premier regard. Pourtant, au moment où tout le monde s’attendait à ce qu’il lui fît sa demande, juste après le bal du vingt-six novembre qu’il avait donné chez lui, il était parti à Londres, soi-disant pour quelques jours seulement, afin d’y régler quelques affaires urgentes. Ses deux sœurs, la plus âgée Louisa Hurst et la cadette Caroline Bingley, l’y avaient suivi de peu, après avoir envoyé une lettre à Jane qui sous-entendait que Charles y avait des intérêts envers une autre jeune fille de bonne famille, et en annonçant qu’ils devraient tous passé Noël en ville. Jane reçut ensuite une seconde lettre de Miss Bingley encore plus alarmante rapportant que son frère ne reviendrait point du tout à Netherfield.
L’absence de Mr Bingley avait duré deux mois au grand désespoir de Jane qui pensait ne plus jamais le revoir et qu’elle s’était trompée sur les sentiments du jeune homme qui, après tout, ne lui avait rien promis. Finalement le jeune homme était revenu à Netherfield pour voir Jane, mais juste après Noël elle était partie en ville, en tant qu’invitée de la famille de son oncle, Mr Gardiner, ils voulaient lui remonter le moral. Mr Bingley l’y rejoignit et apprit que la jeune femme, dont il était toujours très épris, avait rendu visite à ses sœurs qui ne l’en avaient point averti. Confrontées par leur frère, elles avaient prétendu n’avoir jamais reçu les lettres de Jane dans lesquelles elle leur avait annoncé sa présence dans la capitale, puis ensuite elles admirent un malencontreux oubli de lui parler de sa visite.
Contrairement à Jane qui ne voyait le mal en personne, Elizabeth avait soupçonné que Caroline et Louisa avaient essayé de retenir leur jeune frère à Londres pour le détourner de Jane, et qu’elles avaient délibérément ignoré celle-ci, et avaient menti à leur frère. Mais heureusement, elles avaient finalement échoué, et maintenant Jane et Charles étaient fiancés.
Mr Bingley avait tout du parfait gentleman, de plus il était de nature joviale, très sociable, beau et riche. Cependant, il était jeune et dans un premier temps, il s’était laissé trop influencer par l’autorité de ses deux aînées. Mais l’amour avait parlé et Elizabeth était soulagée qu’il eût finalement pris le dessus sur ses sœurs qui voulaient, à l’évidence, un mariage plus profitable dans les hautes sphères sociales afin d’améliorer leurs relations. En effet, leur père avait fait fortune dans le commerce, mais pour être accepté dans la bonne société et avoir son entrée à l’Almack (8), il fallait avoir des relations et les bonnes, c’est-à-dire riches et puissantes. Et puis Caroline, qui était encore célibataire, avait l’ambition de faire un bon mariage pour poursuivre son ascension sociale, et visiblement elle avait déjà quelqu’un en vue. Or, même si Thomas Bennet, le père de Jane et de quatre autres filles dont Elizabeth, était un gentleman cultivé, il venait de la petite gentry anglaise. Il faisait donc partie d’une catégorie sociale plutôt aisée sans pour autant atteindre la richesse, et il était propriétaire de son domaine, sans toutefois appartenir à la haute société. De plus, sa femme Fanny avait sa famille dont la profession était soit dans le commerce soit dans la loi. Enfin, son domaine n’était pas transmissible à ses filles et son héritier n’était autre que William Collins, le pasteur.
Sa dernière pensée avant de s’endormir fut pour les nouvelles rencontres de cette journée, et plus particulièrement à deux certains gentlemen : Mr Darcy qui l’avait d’abord subjuguée mais dont le dédain l’avait quelque peu blessée, puis le colonel Fitzwilliam qui s’était montré si charmant et attentionné.
Que d’émotions !
Dans le prochain chapitre vous découvrirez le point de vue de Darcy sur cette rencontre. En attendant dites-moi ce que vous avez pensé de ce chapitre ?
Notes :
(1) 0,5 mile = 800 m environ
(2) L’architecture élisabéthaine désigne couramment la première phase de l’architecture de la Renaissance en Angleterre, et doit son nom à la reine Élisabeth Ire d’Angleterre, faisant suite au style Tudor. Elle précède le style Jacobéen et le Palladianisme (Pemberley) introduit par Inigo Jones. J’ai utilisé comme modèle Burghley House comme dans le film 2005. Par contre, pour les jardins j’ai pris ceux de la série TV de la BBC de 1995.
Sources : Wikipédia.
(3) Thomas Chippendale (1718 – 1779) était un célèbre ébéniste et un créateur de meubles anglais dans des styles géorgien, rococo anglais et néoclassique.
A ne pas confondre, bien sûr, avec Les Chippendales 😀 qui auraient choisi leur nom de scène en référence au mobilier du club où ils se produisaient, lui-même inspiré du style de Thomas Chippendale.
Sources : Wikipédia.
(4) Grinling Gibbons, né le 4 avril 1648 et décédé le 3 août 1721, était un sculpteur anglais. Il est généralement considéré comme l’un des plus habiles sculpteurs sur bois d’Angleterre.
(5) Bleu nattier : une des couleurs à la mode à l’époque, entre le bleu marine et le bleu roi.
(6) Pianoforte : ancêtre du piano
(7) Bataille des Arapiles : plus souvent connue à l’étranger sous le nom de bataille de Salamanque ou Battle of Salamanca pour les Anglais, se déroula le 22 juillet 1812, près du village d’Arapiles, en Espagne situé dans la province de Salamanque [Salamanca]. Cette bataille de la guerre péninsulaire portugaise et de la guerre d’indépendance espagnole fut une sévère défaite infligée par les forces anglo-portugaises menées par le célèbre général anglais Arthur Wellesley de Wellington au maréchal français Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont, et qui porta un coup décisif à l’intervention française en Espagne.
Sources : www.napoleon-empire.net/
(8) L’Almack : était le nom d’un certain nombre d’établissements et de clubs sociaux à Londres entre les XVIIIe et XXe siècles. Deux des clubs sociaux passeraient à la renommée de Brooks et Boodle’s . L’établissement le plus célèbre d’Almack était basé dans des salles de rassemblement sur King Street, St James, et était l’un des nombreux sites sociaux publics mixtes de la classe supérieure dans la capitale britannique à une époque où les lieux les plus importants pour la saison sociale trépidante étaient les grandes maisons de l’aristocratie. Le site du club, les salles d’ assemblage d’Almack ou (à partir de 1781) Willis’s Rooms , est devenu rétroactivement interchangeable avec le club, mais pour une grande partie de la durée de vie du club, les chambres offraient divers autres divertissements sans connexion au club.
Sources: Wikipédia.
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