Chapitre15: retour à Longbourn

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre et sa contribution à son amélioration.

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Je vous remercie chaleureusement de l’enthousiasme avec lequel vous avez accueilli le précédent chapitre 😀

Réponses aux questions et remarques des différents « guests »:

L’une d’entre elles concernant Wickham a sa réponse dans ce chapitre.

Le mariage de Jane est pour le chapitre 19.

Je ne peux pas encore révéler si Lydia va s’enfuir ou pas, un peu de patience, vous aurez quelques indices dans les chapitres à venir dont un dans celui-ci.

Eh oui, Darcy va bientôt faire la connaissance de toute la famille Bennet au grand complet et ce sera dans la 2ème partie du prochain chapitre 😉

Certains s’inquiètent pour Richard, vous aurez quelques nouvelles dans le chapitre 20.

Je parlerai très peu de Kitty dans cette fiction, tout au moins dans cette partie, car SI j’écris une suite je prévois de développer davantage son personnage.

Quant à l’histoire de Georgiana, vous aurez tous les détails dans le chapitre 23, je sais, c’est encore loin, alors en attendant sachez que ce qui lui est arrivé est un peu différent de l’histoire originale.


La sonate de l’amour

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L’opinion est quelque chose d’intermédiaire entre la connaissance et l’ignorance.

– Platon –

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Chapitre 15 : retour à Longbourn

Quelques jours après le départ des neveux de Lady Catherine, et après une dernière visite chez la grande dame, ce fut au tour de Lizzie et Maria de prendre congé. Charlotte avait bien essayé de savoir ce qui s’était passé avec Mr Darcy dans son salon, ainsi que ce qui avait bien pu rendre Eliza si perturbée le jour du départ du colonel, mais cette dernière resta muette comme une tombe. Cependant, Charlotte avait sa petite idée : une histoire de cœur, probablement mais ce qu’elle aurait bien voulu savoir c’était si son amie avait reçu une offre de mariage ou pas, et si oui de qui ? Dépitée, elle respecta toutefois le silence de son amie.

Après des adieux émus et la promesse de revenir l’an prochain, les deux jeunes filles prirent le chemin du retour par la voiture de poste, mais accompagnées par l’un des domestiques des Gardiner afin de préserver la réputation des demoiselles. Elles arrivèrent rue Gracechurch quelques heures plus tard sans problème particulier, Lizzie avait même eu une intéressante discussion avec un professeur de philosophie, ce qui lui avait fait passer le temps plus rapidement… et probablement aussi celui de ses compagnons de voyage qui s’étaient endormis, n’étant nullement intéressés. L’accueil chez son oncle fut chaleureux, Jane et Lizzie tombèrent dans les bras l’une de l’autre. L’aînée était restée à Londres pour terminer les derniers essayages de son trousseau et de sa robe de mariée, tandis que Mrs Bennet était déjà repartie pour superviser les préparatifs du déjeuner de mariage et de la cérémonie.

Mr et Mrs Gardiner étaient aussi ravis de revoir la cadette de leurs deux nièces favorites. Autour d’un thé et de biscuits, ils racontèrent les derniers événements, ce qui incluait leur rencontre avec un certain gentleman du Derbyshire.

– Au début, Mr Darcy s’est montré très froid et réservé, dit Mrs Gardiner, mais peu à peu, il s’est déridé le front, et nous avons discuté de Lambton, qu’il connaît très bien puisque son manoir n’est qu’à cinq miles de là, et du Derbyshire. Il s’est même souvenu de la belle collection de livres anciens que possédait mon père. Le sien, feu Mr Darcy, était très apprécié et respecté quand j’y vivais.

– Il s’avère qu’il a investi dans les fabriques de coton, tout comme je l’ai fait, dit Mr Gardiner, et il a d’excellentes idées sur l’amélioration du rendement avec de nouvelles machines qui soulagent aussi la tâche des ouvriers, termina-t-il avec approbation et une admiration évidente.

– C’est un homme remarquable, Charles n’en dit d’ailleurs que du bien, ajouta Jane.

– Oh ! dit Lizzie stupéfaite en rougissant un peu.

– Dites-moi Lizzie, vous avez dû le rencontrer quelques fois dans le Kent, qu’en avez-vous pensé ? s’enquit innocemment Madeline Gardiner qui avait remarqué la réaction de sa nièce.

– Euh… rien de particulier, répondit Lizzie gênée, mis à part qu’il a mis beaucoup plus de temps à se dérider le front avec nous, n’est-ce pas Maria ? finit-elle en riant un peu pour cacher son inconfort.

– Oui, mais c’est Lady Catherine qui m’a le plus impressionnée, répondit la jeune Miss Lucas en secouant la main.

– Ah ! c’est un sacré personnage, sa condescendance est même allée jusqu’à nous conseiller comment arranger nos malles, n’est-ce pas Maria ? demanda Lizzie en lui faisant un clin d’œil, elle était trop heureuse qu’on changeât de sujet de conversation.

– Oh oui, j’avais même commencé à refaire la mienne jusqu’à ce qu’Eliza me fasse remarquer qu’elle ne le verrait pas ! s’exclama Maria avec emphase, faisant rire tout le monde de bon cœur.

Les discussions s’orientèrent ensuite très vite sur les noces à venir, puis Jane, Lizzie et Maria jouèrent un peu avec les quatre enfants des Gardiner. Le soir venu, Lizzie partagea l’une des deux chambres d’invité avec Jane. Ainsi, les deux sœurs purent se faire des confidences en toute intimité. Elles étaient allongées dans le lit, l’une tournée vers l’autre. Jane aborda l’un des sujets traités dans la dernière lettre de sa sœur et qui l’avait préoccupée.

– Dites-moi Lizzie, où en êtes-vous avec les deux neveux de Lady Catherine ?

– Ah, Jane ! Vous n’allez pas me croire !

– Lequel des deux vous a demandée en mariage ? demanda Jane presque comme une boutade.

– Les deux, enfin presque ! répondit la brune en secouant la main pour s’éventer le visage en feu.

À cette surprenante nouvelle Jane laissa échapper un petit cri étouffé par sa main tandis que ses yeux s’arrondissaient de surprise.

– Dieu du ciel ! deux demandes, mais que voulez-vous dire par presque ? Jane chuchota de derrière sa main en se redressant sur son coude pour mieux observer sa sœur.

Lizzie prit quelques instants pour se rappeler la scène en question.

– Je viens de recevoir un ordre de mission pour rejoindre mon régiment qui sera envoyé sur le continent pour augmenter les troupes du général Wellesley, le duc de Wellington, et je dois partir dans l’heure, dit le colonel Fitzwilliam d’un air désolé.

– Oh mon Dieu ! ne put s’empêcher de s’exclamer Lizzie en portant sa main à sa bouche.

– Avant de partir, j’avais quelque chose d’important à vous dire et à vous demander, Miss Bennet.

– Je vous écoute, acquiesça Lizzie qui se demanda bien à quoi s’attendre exactement, n’osant pas formuler précisément son idée à ce sujet.

– Vous m’avez dit, il y a quelque temps, que vivre modestement ne vous rebuterait pas si vous faisiez un mariage d’amour. Cette affirmation est-elle toujours d’actualité ?

– Je ne change pas d’avis si aisément, colonel, répondit Lizzie un peu sèchement, les offenses reçues la veille l’avaient laissée sur la défensive au point d’en devenir susceptible.

– Pardonnez-moi, madame, mais point n’était mon désir de l’insinuer. Je voulais simplement confirmer que vous parliez sérieusement, dit-il un peu étonné de sa vive réaction.

– C’est à moi de m’excuser colonel, je suis un peu à fleur de peau ce matin, dit Lizzie en réalisant son impulsivité.

– Il n’y a point d’offense. Et est-ce qu’une vie de femme de militaire vous effraierait ? il la regardait avec beaucoup de sérieux.

Lizzie était maintenant presque sûre de ce qui allait suivre et se demanda si la troisième demande en mariage qu’elle était visiblement sur le point de recevoir allait être aussi déplorable que les deux précédentes. Ce fut le cœur battant qu’elle répondit :

– Je vous répondrai la même chose que pour la fortune, rien ne pourrait me faire renoncer à un homme si l’amour et le respect sont présents, et réciproques.

– Même si vous rencontriez des oppositions de la part de votre belle-famille ?

– Comme je le dis souvent, mon courage et ma détermination s’élèvent chaque fois que l’on essaie de m’intimider.

Le colonel prit une petite pause tout en continuant de regarder la jeune femme dans les yeux. Il avança d’un pas, prit doucement sa main droite dans les siennes et fit sa déclaration.

– J’espérais avoir quelques jours de plus pour vous courtiser, mais le devoir m’appelle et je voudrais que vous connaissiez mes intentions à votre égard avant de partir, il prit une grande inspiration avant de continuer, Miss Bennet, dès notre première rencontre, vous m’avez charmé par votre beauté, votre intelligence, votre gaieté et votre générosité, et les jours passant n’ont fait que renforcer mes impressions. Vous avez capturé mon cœur et je souhaiterais passer ma vie à vos côtés. Cependant, il serait injuste de vous demander de vous engager dès maintenant à un soldat sur le départ pour la guerre, je peux ne jamais rentrer ou bien revenir invalide. La guerre peut aussi durer et je pourrais très bien être parti pour des mois voire des années, si tel était le cas je vous demanderais alors d’oublier cette conversation et de vous considérer comme libre de toute attache. Mais je voulais que vous sachiez que si je revenais bientôt et entier, j’ai la ferme intention de demander votre main, alors voulez-vous bien réfléchir à tout ce dont nous avons parlé aujourd’hui et considérer ma demande afin de me donner votre réponse à mon retour ? finit-il d’une voix rauque.

Elizabeth avait le cœur qui cognait dans sa poitrine, tant d’émotions en moins d’un jour. La déclaration du colonel, quoique simple, était touchante et sincère. De plus, il avait la délicatesse de ne pas vouloir la lier à lui avant de partir pour la guerre. Toutefois, elle était encore confuse car était-elle amoureuse de lui ? éprouvait-elle suffisamment d’affection pour envisager la possibilité d’endurer la vie de femme de militaire ? Pouvait-elle accepter de réfléchir à sa demande, même si elle n’était point encore sûre que ses propres sentiments étaient suffisamment profonds ? serait-ce alors honnête de le laisser espérer ? Devait-elle lui révéler ses doutes ? Pourtant, elle trouvait que l’idée qu’il pût partir combattre sans avoir aucun espoir, si elle refusait dès maintenant ou si elle exprimait trop d’incertitudes, était cruelle.

Alors que dire exactement ?

Quand Mr Collins ou Mr Darcy avaient fait leur demande en mariage, elle n’avait eu aucune hésitation à rejeter leur offre puisqu’elle ne les aimait point, mais le colonel était si charmant, si attentionné avec elle et elle adorait son humour, enfin, ils s’entendaient à merveille. Et puis, ce n’était pas des fiançailles fermes et définitives, mais, une simple promesse de considérer l’éventualité d’un mariage, cela ne l’engageait en rien, elle aurait même davantage de temps pour y songer. Elle plongea son regard dans le sien et y vit des sentiments sincères, ainsi que l’attente et l’espoir tandis qu’il lui serrait la main tendrement entre les siennes, alors pouvait-elle accepter d’y réfléchir ? Elle prit sa décision.

– Oui, j’accepte, répondit-elle simplement en acquiesçant de la tête.

– Merci Miss Elizabeth, je suis si heureux !

Le colonel était évidemment soulagé. Il l’avait appelée Miss Elizabeth, probablement voulant prononcer son prénom, puis il porta la main de Lizzie à ses lèvres et embrassa avec ferveur d’abord ses doigts gantés, puis il retourna sa main et dénuda l’intérieur de son poignet pour y déposer ses lèvres sensuellement. Lizzie fut surprise par cette liberté, car après tout ils n’étaient pas encore engagés, mais elle ne se défendit pas, cet homme allait partir au combat et qui pouvait savoir ce qui allait lui arriver ? alors elle n’eut pas le cœur de le réprimander à ce sujet.

Lizzie fut ramenée au présent par Jane.

– Lizzie ?

– Pardonnez-moi Jane, j’étais perdue dans mes pensées. En fait le colonel Fitzwilliam m’a demandé de réfléchir sur son intention de me proposer le mariage à son retour, car il a été rappelé sous les drapeaux et il ne voulait pas me lier par des fiançailles avant son départ pour la guerre, ce que je lui ai promis.

– Le colonel Fitzwilliam me semble être un gentleman bon et généreux en plus d’être amoureux pour avoir agi ainsi. Oh Lizzie ! Je suis si heureuse pour vous ! Vous méritez de connaître le même bonheur que moi, dit-elle en prenant la main de sa sœur, mais… savez-vous déjà ce que vous allez lui répondre ?

– Non, je l’ignore encore, je pense que cette période de séparation sera l’opportunité de sonder mon cœur en profondeur et d’être sûre de moi avant de répondre définitivement.

– C’est pour cette raison que vous n’en avez rien dit à nos oncle et tante ?

– Oui, car cela restera un secret, tant que je n’aurai pas donné ma réponse. Et malheureusement ça ne sera pas pour tout de suite. Je regrette que nous n’ayons pas eu plus de temps pour approfondir notre mutuelle connaissance, dit-elle tristement.

– Ma chère Lizzie, je suis désolée que vous soyez tous les deux déjà séparés de cette façon, elle lui serra la main en signe de réconfort. Et quant à Mr Darcy, que s’est-il passé ?

– En fait, il m’a fait une offre définitive avant que le colonel ne me parle de ses intentions, mais vous savez bien que je ne pouvais pas, et ne pourrai jamais, accepter un homme que je n’aime pas, dit Lizzie en prenant un air sérieux.

– Pauvre Mr Darcy !

– Ne le plaignez pas Jane, il n’est pas pauvre au sens littéral du terme, dit-elle en plaisantant avant de reprendre plus sérieusement, et puis si vous aviez entendu l’horrible façon dont il m’a fait sa demande en mariage, même vous ne pourriez point vous montrer charitable à son égard !

– Comment donc ? demanda Jane surprise.

– Il m’a humiliée et insultée en expliquant comment il avait lutté contre ses sentiments à cause de ma condition qui est tellement en dessous de la sienne ! ensuite nous avons eu une terrible querelle !

– Nooon ! s’exclama Jane stupéfaite, mais les Darcy sont une famille riche et puissante, peut-être a-t-il simplement voulu vous montrer à quel point son amour pour vous était si grand pour avoir su surmonter ses réticences, remarqua la blonde sagement.

– Jane, vous êtes trop bonne et il ne mérite pas votre indulgence, dit-elle avant de changer de sujet. Je dois vous dire autre chose d’important : le colonel, et même Mr Darcy, m’ont avertie de me méfier de Mr Wickham qui serait, selon eux, une crapule et un séducteur.

– Et vous pensez que c’est vrai ? Pourtant il a l’air si charmant, s’étonna Jane.

Lizzie raconta alors en détails ce que le colonel Fitzwilliam lui avait narré : les deux sœurs se demandèrent alors s’il fallait en parler à leur famille. Elles se mirent d’accord pour garder le silence pour le moment et d’en aviser leur père que si les circonstances changeaient. Puis Lizzie aborda le sujet du mariage.

– Jane n’êtes-vous pas un peu nerveuse ?

– Oh si Lizzie ! Mais en même temps je suis si heureuse, Charles est si bon et si attentionné envers moi, et je l’aime tellement, répondit Jane béatement.

– Et comment cela se passe-t-il avec Caroline ?

– Elle a fait beaucoup d’efforts, répondit Jane vaguement.

– Il faut dire qu’elle n’a pas eu vraiment le choix, c’était ça ou aller vivre chez sa tante à Scarborough.

– Mais après le mariage, où va-t-elle vivre finalement ?

– Rien de définitif n’a encore été décidé, elle voudrait rester avec nous à Netherfield.

– Pas durant votre lune de miel !? s’exclama Lizzie indignée.

– Non, Charles a proposé qu’on aille la passer tous les deux dans le Nord. On visitera la région des lacs puis on ira passer quelques jours à la mer à Scarborough ainsi je ferai la connaissance du reste de sa famille. Enfin, sur le chemin du retour, on fera une halte dans le domaine de Mr Darcy qui nous a gentiment invités à Pemberley. Charles a prévu au moins deux mois de voyage.

– C’est merveilleux Jane !

– Oui, j’ai hâte de me retrouver seule avec lui, dit Jane en rougissant.

– Dites-moi Jane, je sais que c’est indiscret, mais est-ce que Charles vous a déjà embrassée… à l’intérieur du poignet ?

– Lizzie ! vous me faites rougir, mais la réponse est oui… pourquoi me demandez-vous cela, le colonel aurait-il déjà osé ? s’inquiéta Jane.

– Oui, je n’ai pas eu le cœur de lui dénier cette liberté avant son départ… et… qu’avez-vous ressenti ? Lizzie savait qu’elle empiétait sur la vie privée de sa sœur, mais elle devait savoir.

– Oh, Lizzie ! répondit Jane gênée, mais en voyant que c’était visiblement important pour sa sœur elle poursuivit : j’ai ressenti des frissons partout, mais je suppose que vous le savez aussi, n’est-ce pas ?

– En fait… pas vraiment, non… répondit-elle pensive, mais je suppose que c’était parce que nous devions nous séparer aussitôt et mon esprit était par conséquent ailleurs, essaya-t-elle d’expliquer.

– Oui, probablement. Je n’ose pas imaginer si Charles devait partir ainsi…

– Risquer sa vie pour sa patrie, continua Lizzie morose.

– Mais je suis sûre que tout ira bien Lizzie, dit la blonde en serrant sa sœur dans ses bras.

– Merci Jane, c’est tellement bon de vous retrouver. Il est temps de dormir maintenant, je suis épuisée.

– Bonne nuit Lizzie.

– Bonne nuit Jane, dit Lizzie en soufflant la chandelle.

Lizzie resta songeuse dans l’obscurité de la pièce, elle repensa aux deux baisers sur son poignet sans avoir eu de frissons. Et le doute germa dans son esprit, avait-elle pris une bonne décision en acceptant de réfléchir à l’offre de Richard, même si cela n’avait rien de définitif ? était-ce l’amour le plus profond qu’elle éprouvait pour lui ? Certes, elle se sentait bien en sa compagnie se répéta-t-elle mentalement avant de citer à nouveau ses grandes qualités : droiture, charme, gentillesse, attention, culture et beaucoup d’humour. Elle l’appréciait et le respectait énormément, et c’était réciproque, mais alors pourquoi avait-elle tant de mal à répondre à cette question ? Jusqu’à présent il était l’homme qu’elle appréciait le plus, ou peut-être… aimait ?

Exténuée par le voyage, les retrouvailles, les émotions, elle finit par s’endormir. Et cette nuit-là elle rêva d’un homme qui était au loin et lui tournait le dos, elle savait que c’était son fiancé, or, étrangement, il n’était pas blond mais brun, il se retourna en lui souriant, mais le reste de son visage était flou, si bien qu’il demeura anonyme. Elle se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade. Qui était cet homme ? Ce dont elle était sûre : ce n’était pas Richard !

Lizzie était confuse et perturbée par son rêve. Bien que ce ne fût que cela : un rêve, mais quand même ! Que cherchait à lui dire son esprit ? Elle se sentait oppressée, était-ce à cause de leur séparation et du danger que courait Richard dans cette nouvelle guerre qui se préparait sur le continent ? Oui, certainement, mais n’y avait-il pas autre chose ? … Elle ne comprenait pas, ou plutôt s’entêtait à refuser de comprendre, quoi et pourquoi ?

Elle tourna la tête vers la fenêtre et une fente entre les tentures, ainsi que le relatif silence dans la rue citadine, lui fit comprendre que c’était encore le milieu de la nuit. Jane dormait sereinement à côté d’elle. Ses pensées se dirigèrent alors vers un autre sujet qui ne la laissait pas tranquille. Dans quelques jours, elle devrait affronter un grand brun : Mr Darcy. Comment le revoir après la débâcle de leur querelle ? car même s’il l’avait insultée lors de sa demande, elle l’avait calomnié, alors comment s’excuser au sujet des paroles cruellement injustes qu’elle avait prononcées contre lui au sujet de Mr Wickham et aussi de ses soi-disant engagements ? Elle croyait ce que lui avait dit Richard, que c’était le lieutenant qui était le vilain et non Mr Darcy. Mais elle se demanda quand-même, quels avaient été tous les torts dont avait parlés le colonel envers les Darcy ? Ce serait une tâche difficile, mais elle devrait le faire. Dire qu’un homme tel que lui l’aimait ardemment. Jamais, au grand jamais, elle ne l’aurait pensé. Bah ! Elle secoua la tête. Quelle importance, et à quoi bon y songer puisque de toute façon elle ne l’aimerait jamais, non ? De plus elle deviendrait peut-être la promise de Richard… « Richard, que Dieu vous protège ! » murmura Lizzie dans le silence avant de se tourner sur son côté et fermer les yeux en essayant de s’endormir à nouveau.

O&P

Dès le lendemain, Lizzie et Jane arrivèrent en fin de matinée à Longbourn, accompagnées de leurs deux plus jeunes sœurs, Catherine surnommée Kitty qui était âgée de dix-sept ans et la benjamine Lydia, quinze ans. Les jeunes filles étaient venues les accueillir au relais de poste à Meryton. Celles-ci étaient préoccupées par le départ prochain de la milice et, avec elle, de leurs chers officiers ; elles parlèrent donc à leurs aînées d’essayer de convaincre leurs parents de séjourner à Brighton après le mariage de Jane. Les deux jeunes filles étaient aussi ravies que leur cher lieutenant Wickham était libéré de Mary King que son oncle avait envoyée à Liverpool afin d’empêcher leur projet de mariage.

– Jane, Lizzie quel plaisir de vous revoir à la maison, allez, entrez ! dit Mrs Bennet qui était sur le perron. Ah, chère Jane vous êtes toujours aussi belle, votre trousseau est-il enfin complet ?

– Bonjour maman, oui tout est en ordre.

À peine étaient-elles rentrées que Lizzie fut questionnée par sa mère à propos d’un sujet qui était cher à cette dernière.

– Et vous Lizzie, avez-vous enfin trouvé un mari dans le Kent ?

– Ah ! s’exaspéra-t-elle, bonjour mère, merci je me porte bien et vous ? répondit-elle avec espièglerie.

– Quelle impertinente et ingrate enfant que vous êtes Lizzie, à peine arrivée et vous me contrariez déjà ! N’avez-vous donc pas pitié de mes pauvres nerfs ! s’exclama Mrs Bennet en s’éloignant pour avertir Mrs Hill, sa femme de charge, de faire servir le repas dans une demi-heure, le temps que les voyageuses se rafraîchissent.

– Vous m’avez beaucoup manqué mes enfants, dit à ses deux filles aînées Mr Bennet qui venait d’arriver pour les embrasser sur le front, avec vous ici, cette maison va regagner un peu de bon sens.

– Bonjour papa ! répondirent-elles en chœur.

Lizzie avait presque oublié les « joies » de la vie de famille après presque deux mois passés loin d’eux.

Dans les jours qui suivirent, les principaux sujets de conversations furent le prochain mariage, le départ de la milice et le voyage à Brighton tant désiré par Mrs Bennet et ses deux plus jeunes filles.

Lizzie évita de se rendre à Meryton afin de ne pas croiser un certain lieutenant et s’assura que Lydia et Kitty y aillent toujours accompagnées, soit par sa mère, soit par Jane ou Mary, ou même une servante. Elle ne serait pas tranquille tant que Wickham serait dans les parages. Heureusement, ce n’était l’histoire que de quelques jours.

Mrs Foster – la jeune épouse du colonel responsable de la milice -, avec laquelle Lydia avait noué une excellente relation remplie de confidences et de coquetteries, avait invité la jeune fille pour l’accompagner à Brighton. Lydia exulta à cette nouvelle, elle avait déjà la tête remplie de bals, des plus belles robes et d’officiers se disputant pour la courtiser, tout en faisant enrager Kitty de jalousie. Mais très vite elle hurla son mécontentement et son indignité quand il lui fut dit qu’elle n’irait point à Brighton à cause du mariage de sa sœur auquel elle devrait assister.

Puis, la fin mai arriva, Mrs Bennet avait invité tous les officiers pour un léger repas d’adieu à la veille de leur départ. Lizzie n’en était point ravie, mais elle ne pouvait s’y soustraire. Parmi eux se trouvaient messieurs Foster, Chamberlayne, Carter, Denny, Pratt et bien sûr Wickham. Lizzie observa attentivement ce dernier et put mieux déceler sa nature trompeuse. En effet, en le comparant avec le colonel Fitzwilliam, elle se rendit compte qu’il y avait quelque chose de subtilement faux dans son charme, il était plus dans la séduction. L’esprit avertie, elle voyait maintenant clairement comment il embobelinait (1) ses victimes grâce à ses manières affables, ses paroles cajoleuses, ses regards captivants, ses sourires ravageurs et son physique indubitablement ravissant. Elle le voyait maintenant en compagnie de Kitty et de Lydia qui étaient au bord de la pâmoison, c’était un loup dans la bergerie. Richard avait raison, George Wickham était un loup déguisé en agneau. N’eussent été la faiblesse de son histoire et l’intérêt porté à cette pauvre Mary King, ou plutôt à sa dot, – et qui au final l’avait échappé belle -, elle aurait été séduite elle-même dès l’automne dernier. Maintenant, elle était soulagée qu’il allait s’en aller dès le lendemain, il ne serait ainsi plus un danger pour ses deux plus jeunes sœurs. Elle le vit s’approcher d’elle tout sourire.

– C’est un tel ravissement de vous revoir, Miss Elizabeth.

– Merci monsieur, répondit-elle simplement sans lui retourner le compliment.

– Miss King n’a finalement pas réussi à me faire oublier votre grâce et votre beauté, dit-il pensant qu’elle lui en voulait pour lui avoir préféré la demoiselle en question.

– Vous êtes toute flatterie, Mr Wickham, dit-elle avec un sourire moqueur.

– Ce n’est point flatterie que de dire la vérité, vous me brisez le cœur de penser cela de moi, dit-il en portant sa main sur sa poitrine avec une mine exagérément triste et faussement blessée.

– Mais ce n’est pas très charitable vis-à-vis de Miss King.

Wickham sentit un certain malaise et décida qu’il fallait changer de sujet.

– Alors Miss Elizabeth, avez-vous apprécié le Kent ?

– Oui, c’est un bien charmant comté et le parc de Rosings est tout à fait plaisant.

– Et avez-vous visité le château ?

– Oui, plusieurs fois. J’ai donc eu l’occasion de faire la connaissance de ses habitants, ainsi que de deux des neveux de Lady Catherine de Bourgh qui étaient en visite, dit-elle pour le tester, car elle pensait qu’il devait probablement connaître le lien de parenté de Darcy avec sa tante.

– Ses neveux ?… et lesquels ? demanda-t-il incertain.

– Le colonel Fitzwilliam et Mr Darcy. Vous les connaissez me semble-t-il ? demanda-t-elle en feignant l’innocence tout en observant les moindres des réactions du lieutenant.

– Euh, en effet, répondit-il avec un sourire qui n’atteignit pas ses yeux.

– Ils m’ont raconté des histoires fort intéressantes, dit-elle avec malice.

– Ah… quelle genre d’histoires ? demanda-t-il un peu déstabilisé.

– Les farces que vous avez faites dans votre jeunesse… entre autres choses, dit-elle avec sous-entendu et double sens tout en le regardant droit dans les yeux.

– Je vois…, dit-il pensif et incommodé en détournant le regard, l’un des boutons de sa tunique avait subitement besoin d’être corrigé. Wickham sentit qu’il devait clore la conversation afin d’éviter davantage d’embarras.

– Maintenant je dois vous faire mes adieux, Miss Elizabeth, ce fut un véritable plaisir d’avoir fait votre connaissance, finit-il en la saluant.

– Adieu, lieutenant Wickham ! « et bon vent ! » pensa-t-elle ironiquement.

C’était la première fois que Lizzie voyait Wickham inconfortable, hésitant et même troublé, il était clair qu’il cachait quelque chose, et grâce à Richard elle savait quoi. Elle n’en fut que plus honteuse d’avoir osé accuser Mr Darcy de vilenie envers Wickham, surtout qu’elle avait senti le côté obscur du lieutenant avant aujourd’hui. Comment avait-elle pu se laisser emporter par ses préjugés ? La réponse lui apparut maintenant évidente : sa vanité ! Darcy avait heurté son amour-propre, écorné sa personne et elle ne lui avait pas pardonné cet affront. Lorsqu’elle l’avait entendu parler à son cousin à son sujet, c’était à ce moment-là qu’elle avait décrété que Darcy avait tous les défauts possibles et que l’histoire de Wickham devait être juste. Elle avait cru que Darcy avait recherché toutes les carences et imperfections en elle. Elle s’était laissée aveugler par la rancœur.

Lizzie n’était pas fière. Elle qui croyait être perspicace à propos des caractères des gens et que son opinion valait mieux que celle des autres, s’était totalement trompée. En plus, n’avait-elle pas ignoré les paroles de Charlotte ? Son amie ne l’avait-elle pas avertie de se méfier des allégations de Wickham contre Darcy, et de Caroline Bingley qui se disait déjà quasiment engagée à lui ? Ne lui avait-elle pas dit que Darcy l’admirait et s’intéressait à elle ? Mais elle avait fait fi de l’avis de sa meilleure amie qui avait pourtant eu raison sur toute la ligne, quelle arrogance de sa part ! Elle avait accusé Darcy d’être arrogant, mais elle n’avait pas fait mieux. Elle pensa à une phrase de Platon dont elle avait eu l’occasion de discuter avec son père : « l’opinion est quelque chose d’intermédiaire entre la connaissance et l’ignorance. » Et là, elle avait l’impression qu’elle avait été bien plus proche de l’ignorance.

Voilà une bien belle leçon d’humilité !

Quant à Wickham, il s’éloigna tout en pensant : « Maudit Darcy, j’aurai ma vengeance un jour ! »

Chapitre 16

Ainsi Lizzie n’est pas fiancée à Richard, tout comme Darcy, vous n’aviez pas la connaissance de toute la scène, maintenant vous le savez, mais Darcy l’ignore toujours…

Prochain chapitre: les Darcy arrivent à Netherfield.


Notes :

(1) Embobeliner : ancien verbe qui signifie séduire (quelqu’un) par des paroles en vue de le tromper. Un équivalent ancien d’embobiner en quelque sorte.

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