Chapitre 7: Darcy VS Fitzwilliam
La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.
O&P
Un grand merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre et sa contribution à son amélioration.
La sonate de l’amour
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» Le cœur perçoit ce que l’œil ne voit pas. »
– Al-Gazal –
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Chapitre 7 : Darcy VS Fitzwilliam
Trois semaines s’étaient déjà écoulées depuis l’arrivée de Lizzie dans le Kent, elle avait reçu une lettre de ses parents et de chacune de ses sœurs, sauf Lydia. Les préparatifs du mariage étaient l’essentiel sujet de chacune des missives et il était amusant d’avoir les différents points de vue. Jane, la principale intéressée, n’était que soupirs d’amour envers son fiancé et avait l’air de supporter toutes les contraintes et les choix que lui imposait leur mère, avec toute la sérénité légendaire que possédait l’aînée des sœurs Bennet. Mrs Bennet reprochait à sa seconde fille d’avoir choisi un si mauvais moment pour partir, oubliant qu’elle s’était engagée à visiter les Collins avant les fiançailles de Jane et Charles. Mary n’écrivait que des propos moralisateurs sur tout le monde. Kitty parlait des rubans et dentelles dont elle allait arranger sa robe pour l’évènement, ainsi que de ses dernières chamailleries avec Lydia à savoir laquelle des deux sœurs était la plus populaire auprès des tuniques rouges. Et bien sûr, Mr Bennet se moquait de tout cela avec sa plume acerbe.
Lizzie répondit à chacun des courriers avec empathie, humilité indignée, indulgence ou esprit selon le destinataire.
Ses journées avaient atteint une certaine routine : visites aux paroissiens, lectures, dîners occasionnels à Rosings Park et surtout ses balades matinales avec parfois une rencontre « fortuite » avec deux certains gentlemen, en même temps ou pas, ou visite de politesse de leur part au presbytère.
O&P
En fin de matinée, alors que les deux cousins vinrent rendre visite, et alors que la conversation était tournée sur Jane et Charles, Charlotte raconta comment Eliza était allée soigner sa sœur tombée malade à Netherfield.
– Imaginez-vous qu’elle était si inquiète et dévouée qu’elle a parcouru trois miles (1) à pied dans la campagne boueuse pour se rendre au chevet de Jane, dit-elle en terminant de servir le thé.
Charlotte se rendait compte du vif intérêt que les deux gentlemen portaient envers son amie et elle voulait rendre service à Elizabeth en mettant en évidence ses qualités.
– Enfin, ce ne fut pas une si grande entreprise, Charlotte, et c’était le minimum que je pouvais faire pour ma chère Jane. Mais cela m’a bien valu un regard sévère sur mes jupons tout crottés, dit Lizzie avec humour et humilité en secouant légèrement la tête.
– Eh bien dites-moi, Miss Elizabeth, contrairement à ce que vous dites, je pense que ce fut une véritable preuve de courage, mais je me demande ce qui a été le plus difficile entre affronter les chemins boueux et rencontrer le regard désapprobateur de… Miss Bingley, ajouta le colonel avec plein de sous-entendus, car il connaissait bien les tendances à la réprobation de la demoiselle en question pour l’avoir déjà fréquentée.
– Richard ! réprimanda Darcy en posant sa tasse de thé un peu brutalement sur sa soucoupe.
– Plaît-il, Darcy ? N’êtes-vous point d’accord pour assumer que c’est bien une épreuve ? il but une gorgée de thé avec un regard espiègle.
– Mais c’est de la sœur de mon ami dont vous parlez avec si peu de… si peu de charité, répondit-il outré.
Lizzie remarqua que Darcy avait défendu cette langue de vipère en étant outragé par cette remarque, tandis qu’il ne s’était pas restreint quand il avait exprimé ses pensées sur elle-même au colonel. Cela ne l’étonna guère, Darcy et Caroline étaient tous les deux aussi hautains et dédaigneux des autres, elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas rire en les imaginant mariés en train de toiser et critiquer tous ceux qui les entouraient.
– Voyons, je parlais de l’épreuve d’affronter les chemins boueux, Darcy, dit-il avec un humour teinté volontairement d’une hypocrisie flagrante, puis il continua, vous qui l’avez côtoyée, Miss Bennet, qu’en pensez-vous? lui demanda Richard avec un sourire malicieux.
– Je dirais que Miss Bingley a fort à cœur les intérêts de son frère, dit Lizzie avec une étincelle dans les yeux tout en pensant « mais surtout, et avant tout, les siens ».
C’était ironique, bien sûr, ce que sentit Darcy à l’intonation de sa voix, mais cela passait pour un compliment. Il se dit qu’elle était vraiment fine d’esprit. La sœur de Charles aurait été bien plus manifeste et moins délicate dans ses critiques, mais il ne pouvait décemment pas la dénigrer en public. Caroline Bingley pouvait faire preuve d’esprit, mais avec moins de subtilité, de plus il était toujours tourné soit à la censure des gens qu’elle considérait en dessous d’elle, en particulier dans leur dos, soit à la flatterie des puissants de ce monde, ou de lui-même et Georgie, dans le but de gagner sa main ou plutôt son statut et sa fortune. Il n’avait jamais entendu Miss Elizabeth faire des commérages et déprécier les personnes, mais elle pouvait remettre quelqu’un à sa place, en face, et avec élégance encore une qualité qu’il appréciait grandement. Mais cette lèvre qu’elle mordillait et ses yeux pétillants, c’était beaucoup trop distrayant.
– En parlant de sœurs, les vôtres vous ressemblent-elles ? s’intéressa Richard.
– Pas vraiment, Jane et les deux plus jeunes, Kitty et Lydia, sont blondes avec les yeux bleus comme ma mère, tandis que Mary et moi ressemblons plus à mon père.
– Et du point de vue de leur personnalité ? continua le colonel.
– Nous sommes toutes différentes. Jane est douce, généreuse et voit le bien chez tout le monde autour d’elle, « y compris Miss Bingley ». Mary adore jouer du pianoforte « mais sans sentiment et c’est une épreuve pour les oreilles surtout lorsqu’en plus elle chante » et lit beaucoup « les sermons de Fordyce pour nous les servir à tout propos ». Kitty et Lydia sont pleines de vie « mais surtout incontrôlables » et inséparables « bien qu’elles se disputent tout le temps », elles aiment coudre « pour décorer leurs robes et bonnets pour plaire aux officiers » et bien que Lydia soit la plus jeune « et la plus égoïste et écervelée », c’est Kitty qui essaie de la copier dans tout ce qu’elle fait « et ce n’est pas pour le mieux ».
Lizzie échangea un regard entendu avec Charlotte qui étouffa un petit rire en toussotant dans sa main avant de s’excuser. Elle remercia le ciel que Mr Collins était parti voir Lady Catherine au sujet de son prochain sermon, encore ! Elle ne doutait pas qu’il aurait mis son grain de sel et aurait prononcé tout haut une partie de ce qu’elle avait pensé tout bas concernant ses deux sœurs cadettes.
– Des personnalités fort intéressantes, commenta le colonel qui n’avait rien manqué de l’échange entre les deux amies avant de continuer, la vie familiale ne doit assurément point être ennuyeuse chez vous, il regarda Lizzie avec espièglerie.
– Vous n’avez pas idée, « mais Ô combien embarrassante en public » lui répondit-elle avec humour, la vie dans une maison où résident cinq sœurs ne manque jamais de sujets de conversation comme vous pouvez l’imaginer, mais aussi de divergences dans les points de vue avec des caractères aussi différents « c’est un doux euphémisme ».
– Pour sûr, votre foyer est très vivant, ajouta Charlotte qui entra dans le jeu avec un sourire malicieux.
– C’est le moins que l’on puisse dire, intervint Maria avec bonne humeur.
Charlotte, qui était assise juste à côté de sa sœur, glissa discrètement sa main entre elles deux et lui serra gentiment les doigts attirant son attention et lorsqu’elle la regarda, elle lui fit un signe non de la tête presque imperceptible. La jeune fille comprit ainsi qu’il ne fallait pas creuser le sujet.
Lizzie remarqua que, comme à son habitude, Darcy écoutait, mais sans participer et surtout, il lui réservait ces regards intenses pleins de dédain. Elle ne supportait plus son mépris.
– Et comment est Miss Darcy ? demanda Charlotte en repassant le plateau de biscuits et de gâteaux, en voulant faire participer le gentleman silencieux à leur conversation.
– Ma sœur ? demanda-t-il un peu stupidement, surpris qu’on lui adressât la parole.
– Bien sûr Darcy, de qui voulez-vous que l’on parlât ? à moins que vous ayez une fille dont vous m’auriez caché l’existence, se moqua le colonel avec un petit rire.
– Richard, ce n’est point drôle, assurément ! s’exclama Darcy en rougissant légèrement, puis il reprit, Georgiana ressemble beaucoup à ma mère, elle a les cheveux blonds et les yeux bleus. Elle est très timide, généreuse et aimante. Elle adore jouer du pianoforte qu’elle pratique quotidiennement durant plusieurs heures.
Darcy s’était animé de plus en plus au fur et à mesure qu’il parlait, pour Lizzie il était évident qu’il adorait sa sœur. Il avait donc quand même une qualité.
– Et quel âge a-t-elle ? demanda Lizzie avant de croquer un biscuit.
– Elle aura bientôt seize ans.
– Je suppose qu’elle n’a pas encore fait de saison en ville, la question était rhétorique de la part de Lizzie.
– Bien sûr que non ! répondit maladroitement et un peu trop vivement Darcy.
« Vous êtes offusqué Mr Darcy ? Il est vrai que vous avez clairement affiché votre opinion au sujet de la sortie précoce de mes plus jeunes sœurs. » Lizzie pensa qu’il était de nouveau méprisant envers sa famille, alors que le grand brun ne songeait qu’à la fragilité actuelle de Georgie, il ne s’était même pas rendu compte que sa réponse avait pu être offensante.
– Ce que veut dire mon cousin, c’est que les habitudes en ville sont différentes de celles de la campagne où les jeunes filles sont dans un milieu plus familier, plus protégé et peuvent donc sortir plus tôt qu’à Londres, tempéra l’officier qui se souvenait parfaitement aussi de la précédente discussion à ce sujet.
– Je comprends, colonel, vous êtes un excellent diplomate, dit simplement Lizzie en hochant la tête. Elizabeth avait apprécié sa délicatesse.
– Merci, madame, répondit-il en souriant.
– Et avez-vous reçu récemment des nouvelles de Miss Darcy ? Sa santé s’est-elle améliorée ? s’enquit Lizzie sincèrement.
Darcy ne put s’empêcher d’échanger un regard embarrassé avec son cousin, ce qui n’échappa pas à Lizzie. Déjà qu’il s’était senti gêné en comprenant sa bévue juste avant, pourtant, il arbora un masque des plus neutres avant de lui répondre.
– J’ai reçu une lettre il y a deux jours et elle va de mieux en mieux, je vous remercie.
Un temps convenable s’était écoulé et il était maintenant temps pour les deux cousins de prendre congé.
O&P
Pas plus tard que le lendemain, Elizabeth rencontra le colonel Fitzwilliam qui faisait le tour du parc à pied. Elle apprit que Darcy continuait de réviser les livres de comptes et devait s’occuper d’un problème d’intendance. Puis leur discussion tourna sur Napoléon, les nouvelles de son arrivée aux Tuileries le 20 mars et de la fuite de Louis XVIII avaient finalement atteint l’Angleterre. Malgré les promesses pacifiques de l’Empereur, les habitants des autres pays que la France avaient naturellement peur de ses intentions belliqueuses cachées. Elizabeth s’intéressa aussi aux campagnes du colonel. Ils en avaient déjà vaguement parlé lors de leur première rencontre, mais l’actualité l’avait rendue plus curieuse. Il se livra et lui raconta, dans des termes choisis et adéquats pour une oreille féminine, les scènes terribles auxquelles il avait assistées, même s’il avait une position de commandement il avait participé activement à certaines batailles. Cependant, devant les questions de la jeune femme, il se rappela la destruction, les corps mutilés ou brûlés, les cris de souffrance des soldats blessés en donnant à Elizabeth une version fortement adoucie, tandis qu’il lui décrivit ouvertement le soleil de plomb dans le sud de l’Europe, parfois la soif et la faim dont il avait parfois souffert, enfin la peur et les cauchemars qui le poursuivaient aujourd’hui encore. Il s’était mis à nu devant elle et elle avait apprécié cette confiance qu’il lui accordait. Elle se sentait bouleversée et compatissante de tout ce qu’il avait vécu. Mais pour finir sur une note plus gaie, il changea drastiquement de sujet en parlant de ses souvenirs d’enfance avec Darcy.
– Comment était-il lorsqu’il était enfant ? A-t-il toujours été aussi sévère ? demanda Lizzie au sujet de Darcy.
– Non, pas du tout, nous avons fait les quatre cents coups avec lui et aussi Wickham le filleul de son père, même si Darcy était le plus raisonnable de nous trois.
– Mr Wickham ? J’ai fait la connaissance d’un George Wickham à Meryton, l’automne dernier, serait-ce le même ?
Lizzie connaissait parfaitement la réponse, mais l’occasion était trop belle pour en savoir davantage sur les relations entre Darcy et cet homme. Elle avait déjà voulu en parler avec le Maître de Pemberley, mais comment aborder le sujet sans paraître indiscrète ? Là, le colonel lui donnait une belle opportunité.
– Possible, mais que ferait-il dans le Hertfordshire ? se demanda, presque pour lui-même, le colonel intrigué.
– Il venait de s’engager comme lieutenant dans la milice qui est campée dans notre ville, mais d’après les dernières nouvelles que j’ai reçu de la maison son régiment devrait repartir bientôt pour Brighton.
– Vous ne le reverrez plus alors ? demanda-t-il en masquant son inquiétude.
– Probablement pas, répondit-elle, le colonel avait-il l’air soulagé ? puis elle demanda, vous étiez donc des amis d’enfance ? elle voulait en savoir plus.
– Oui, surtout pour faire des bêtises. Il y a eu cette fois où nous avions attrapé un gros crapaud bien hideux ainsi que des criquets que nous avions relâchés discrètement lors d’un dîner où Lady Catherine était présente.
– Non ! Vous n’avez pas osé ? elle remarqua qu’il ne s’était pas attardé sur le sujet Wickham.
– Et si, si vous aviez vu la tête de ma tante et écouté les cris de toutes les dames présentes ! il se mit à rire à gorge déployée. Son rire infectieux gagna Lizzie qui imagina la scène.
– Et avez-vous été grondés et punis ?
– Non point, car il n’y avait aucune preuve que c’était nous, juste de fortes présomptions, répondit-il fièrement.
– J’avoue que j’ai du mal à imaginer votre cousin à se comporter en vilain garnement.
– Et pourtant, c’était bien le cas. En fait, il a beaucoup changé après le décès de sa mère, Lady Anne, dit-il tristement.
– Quel âge avait-il alors?
– Douze ans.
– Oh mon Dieu ! … Et sa pauvre sœur devait être très jeune ?
– Lady Anne est morte peu après sa naissance.
La discussion s’arrêta car ils apercevaient la route vers le presbytère et au loin, Mr Collins qui revenait du village. Ils firent leurs adieux et Lizzie rentra. Le pasteur la réprimanda de se promener en compagnie d’un homme ainsi sans chaperon, bien qu’il n’eût aucun doute sur les bonnes intentions et le comportement honorable de l’un des neveux de Sa Grâce.
Quant à Richard, il rencontra Darcy en rentrant et le suivit dans le bureau où il ne put s’empêcher de le narguer gentiment en racontant sa rencontre avec une certaine nymphe des bois aux yeux de biche. Darcy se sentait de plus en plus jaloux de leur interaction et avait de plus en plus de mal à le cacher, surtout au colonel qui le connaissait si bien et aussi de par ses aptitudes d’observations et de déduction qui avaient été développées par sa fonction dans l’armée.
– Et savez-vous qui elle a rencontré dans le Hertfordshire ?
– Comment voulez-vous que je le sache, répondit Darcy agacé.
– George Wickham !
– Si c’est encore l’une de vos plaisanteries, Richard, elle n’est vraiment pas drôle !
– Je vous promets que je suis sérieux. Il s’est engagé comme lieutenant dans la milice.
– Mais alors, les sœurs Bennet sont en danger ! s’inquiéta le grand brun.
– Aux dernières nouvelles, son régiment devrait partir pour Brighton, mais je vais me renseigner.
– Devra-t-il toujours me hanter toute ma vie ? se désespéra Darcy en soupirant.
– Si vous m’aviez écouté, j’aurais réglé cette question il y a bien longtemps.
– En la mémoire de mon père, je ne pouvais pas… Aaaah ! il frappa le bureau de son poing.
– Pour l’instant il n’y a rien que l’on puisse faire. Pour changer de sujet… Pourquoi étiez-vous si renfrogné, même avant de parler de ce scélérat ?
– Des problèmes d’intendance.
– Seulement ça ? ne serait-ce pas plutôt à cause de ma rencontre avec ma nymphe des bois, hum ? le blond observait avec attention le langage corporel de son cousin, il vit un tressaillement au coin de son œil droit, ses mâchoires qui se serrèrent et sa posture qui devint plus rigide, il avait fait mouche.
– Elle n’est pas votre nymphe des bois, Richard ! il se leva pour rejoindre la fenêtre, en tournant le dos, il pouvait ainsi mieux dissimuler ses tourments.
– Darcy, je vois bien que quelque chose vous tracasse, et n’insultez pas mon intelligence en me disant qu’il s’agit de problème d’intendance. Que se passe-t-il avec Miss Bennet ? William…
Il était rare qu’il l’appelât par la forme raccourcie de son prénom. Il se leva de son siège et vint le rejoindre, en posant une main sur l’épaule de son cousin. Le temps n’était plus aux boutades. Darcy tourna la tête, un peu surpris, puis se concentra à nouveau sur les jardins.
– Richard, je… je ne sais pas ce qui m’arrive. Elle… Quand je vous vois… tous les deux… je…
Il trébuchait sur ses mots, ne sachant comment exprimer ce qu’il avait du mal à s’admettre pour lui-même. Darcy était un homme très secret, y compris avec ses proches. Depuis le décès de ses parents, les responsabilités du lègue allant avec et les récents problèmes de Georgie, il s’était de plus en plus renfermé dans sa coquille. Mais il se sentait si seul. Et aujourd’hui, plus que jamais, il se sentait vulnérable, confus.
– Vous êtes jaloux !
– Richard, non !… Enfin, oui… Aaah, je ne sais pas ! il leva la main en signe de frustration.
– Si, vous l’êtes. C’est la première fois que je vous vois vous mettre dans cet état pour une femme.
– C’est juste une passade et comme ce nom l’indique bien cela me passera, il en était pourtant de moins en moins convaincu.
– Et si ce n’était pas le cas ? Le colonel avait saisi le ton perturbé de son cousin.
– Nous avons déjà eu cette discussion, Richard, je ne peux pas considérer… elle n’est pas pour moi, et puis j’ai bientôt terminé mon travail ici et dans deux ou trois jours nous serons partis… Mais vous, dites-moi, quelle est votre position envers elle ? J’espère que vous ne jouez pas avec ses sentiments ? il tourna la tête pour observer son cousin droit dans les yeux en tournoyant sa chevalière nerveusement.
– Je dois bien avouer que je suis très attiré par elle, de plus en plus, et si vous n’avez aucune intention envers elle… je commence à considérer… de la courtiser sérieusement. Très longtemps, j’ai pensé épouser une riche héritière, mais plus je connais Miss Bennet et plus je me dis qu’une vie de riche oisif ne vaut peut-être pas de supporter une épouse comme celles que l’on voit à l’Almack, durant toute une vie. Pourtant, pour parler franchement, cela m’ennuie beaucoup si vous avez des sentiments sincères envers elle.
Le cœur de Darcy se serra douloureusement dans sa poitrine. Il serra les poings et ses mâchoires se contractèrent à nouveau, ce qui n’échappa pas au colonel.
– Cela me passera comme je vous l’ai dit et je l’oublierai une fois parti d’ici. Eh bien si le cœur vous en dit, alors à votre aise, dit Darcy à contre-cœur, mais elle, acceptera-t-elle de vivre sur la solde d’un colonel ? demanda-t-il sur un ton sec teinté d’arrogance.
Toc ! Toc ! Toc !
Quelqu’un frappa à la porte, interrompant leur discussion.
– Entrez ! cria Darcy sur un ton brusque.
– Excusez-moi de vous déranger messieurs, mais un courrier urgent vient d’arriver pour vous, Mr Darcy, dit un domestique en lui tendant un plateau d’argent sur lequel était une lettre.
– Une réponse immédiate est-elle attendue ? demanda-t-il en se saisissant de la missive,
– Non, le messager n’a rien dit, monsieur.
– Bien, alors vous pouvez disposer.
Il décacheta et lu rapidement la courte lettre. En voyant la réaction et l’air inquiet de Darcy, le colonel ne dit qu’un mot :
– Georgiana ?
– Non, Pemberley. Il y a eu un important incendie suivi d’inondations à cause de pluies diluviennes. Il faut que je parte le plus tôt possible. Je reviendrai dès que tout sera sous contrôle, de toute façon j’ai pratiquement fini ma tâche ici.
– Avez-vous besoin que je vous accompagne ?
– Non, il vaut mieux que vous restiez là deux jours de plus comme c’était prévu et que l’on se retrouve à Londres dans quelques jours, sinon Lady Catherine ne vous le pardonnera pas. Je vous enverrai un message chez vos parents dès que j’en saurai davantage.
– Comme vous voudrez, Darcy.
En fait, les deux cousins avaient tous les deux conscience de la faiblesse de cet argument et en connaissaient la cause : Miss Elizabeth Bennet. Autrefois, Darcy aurait accueilli avec soulagement et même plaisir une telle offre de la part de son cousin dans un moment si difficile. C’était la première fois qu’il n’avait pas envie qu’il l’accompagnât…
De son côté, Richard s’était senti blessé par le dédain de la remarque de Darcy : Mais elle, acceptera-t-elle de vivre sur la solde d’un colonel ? Effectivement, ses revenus n’étaient rien comparés à ceux de son cousin, mais sa fierté avait été bafouée. Il savait que c’était davantage la jalousie qui avait parlé et que Darcy ne l’avait jamais méprisé ou dédaigné, mais il pouvait se montrer si arrogant, parfois, dans l’assurance de sa supériorité. Il était tellement habitué à ce que tout le monde fût prêt à satisfaire ses quatre volontés, qu’il ne doutait pas d’obtenir tout ce qu’il souhaitait des autres. Il ne put s’empêcher de penser brièvement, quelle belle revanche serait-ce si Miss Elizabeth Bennet accepterait de devenir son épouse. Oui, une belle leçon de vie en effet… et après tout, ne lui avait-il pas donné la permission de la courtiser ? Et depuis quand avait-il besoin de sa permission d’ailleurs ? Richard était un colonel dans l’armée de Sa Majesté, il était un homme aguerri qui avait vécu son lot d’épreuves, lui aussi.
O&P
Juste avant de s’endormir, Elizabeth compara les deux neveux de Lady Catherine. Ses discussions avec Richard montraient qu’il exprimait plus de sentiments, il s’était intéressé à sa famille plusieurs fois, il avait partagé des expériences personnelles, notamment dans le domaine militaire, il avait beaucoup d’humour. Il était clair qu’une véritable complicité s’établissait entre le colonel et elle. Lizzie se sentait bien en sa bienveillante présence et c’était réconfortant.
Rien à voir avec la façon dont elle se sentait toujours sur la défensive avec Darcy et aussi déstabilisée par sa seule présence, par ses regards insondables. Elle se sentait jugée et méprisée en permanence, sauf peut-être bizarrement lors de la partie d’échec, concéda-t-elle. Elle interprétait toutes ses remarques comme étant des offenses plus ou moins déguisées et elle en arrivait à déformer tous ses propos et pensées systématiquement sans s’en rendre compte.
Et puis, Darcy ne posait jamais de questions sur sa famille, il était généralement froid et restait assez distant, mais elle devait bien admettre que les sujets de ses discussions étaient plus stimulants et qu’en la défiant régulièrement il la poussait à s’améliorer. Plus tard elle l’imaginait bien ressemblant à Lady Catherine, l’esprit en plus. Sa mère devait probablement ressembler à sa sœur Lady Catherine, mais ce qu’oubliait Lizzie était qu’elle-même ne ressemblait à aucune de ses sœurs, et elle en avait pourtant quatre !
Que va-t-il se passer pendant l’absence de Darcy ? Le colonel va-t-il se décider à courtiser Lizzie sérieusement ? Darcy regrettera-t-il sa décision ?
Note:
(1) environ 5 km
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