Chapitre 23: confidences
La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.
O&P
Un grand merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre et sa contribution à son amélioration.
.
Désolée de ce délai plus long que d’habitude pour la mise à jour et mes réponses à vos reviews, mais j’ai des problèmes de santé qui ont refait surface. Sachez que tous vos commentaires et votre enthousiasme me sont d’un grand soutien dans ces moments difficiles et sont comme une thérapie complémentaires, alors MERCI!
Je reparlerai du colonel, mais avant laissons un peu évoluer la relation entre Lizzie & Darcy, en effet!
La sonate de l’amour
.
Chapitre 23 : confidences
Comme chaque matin depuis son arrivée, Lizzie sortit pour une promenade aux travers des jardins, elle en choisissait un différent à chaque fois aujourd’hui, elle avait pris la direction de l’ouest. L’entrée en était gardée par une porte rustique en pierre qui menait vers une allée bordée d’ifs qui débouchait sur une charmante série de sentiers sinueux. Elle s’arrêta afin de décider lequel choisir. Celui de gauche s’orientait vers le sud, peut-être vers le jardin des roses, celui du milieu passait à travers un bois où la nature sauvage dominait, celui de droite devait rejoindre l’entrée principale au nord.
Au moment où elle se décida pour celui du centre, car elle aimait les sous-bois indomptés, elle aperçut le maître des lieux qui s’approchait sur le chemin de gauche avec… des roses à la main ! Il avançait d’un pas décidé dans sa direction. Lizzie se demanda bien pour qui était ce magnifique bouquet enveloppé délicatement dans du papier, aurait-il un rendez-vous galant illicite ? Elle rejeta aussitôt cette hypothèse qui lui sembla absurde puisqu’il ne cherchait pas à l’éviter, de plus elle n’imaginait pas Mr Darcy, si conforme à la bienséance, courir le guilledou (1). Alors aurait-il déjà trouvé une autre jeune femme à courtiser ? Cette idée l’ennuya, puis elle pensa que c’était improbable vu qu’il était à pied, il ne pouvait donc pas rendre visite à l’un de ses voisins ou plutôt voisine en l’occurrence. Pourtant elle se ravisa, car il était en tenue de cavalier. Elle supposa donc qu’il avait été cueillir les fleurs dans le jardin de Lady Anne – et de ses propres mains ! – et se dirigeait maintenant vers les écuries. Lizzie ressentit un pincement au cœur à la pensée que sa deuxième hypothèse était la bonne, sensation sur laquelle elle refusa de s’interroger, pour se dire qu’il était encore très tôt, trop tôt pour une visite à une heure convenable, elle en déduisit donc qu’il devait avoir à parcourir une bonne distance. Ses rêveries furent interrompues par le bonjour de Mr Darcy qui, entre-temps, l’avait rejointe. Ils s’échangèrent les politesses habituelles, puis Lizzie dirigea le sujet de conversation qui pourrait, peut-être, lui permettre d’assouvir sa curiosité.
– Quelles jolies fleurs, dit-elle simplement sur un ton le plus nonchalant possible.
– Ah ! … euh… Oui, répondit Darcy un peu gêné comprenant tout de suite ce qu’elle pourrait s’imaginer. Elles proviennent du jardin de ma mère et je les ai cueillies pour elle… enfin, pour sa tombe.
– Oh ! s’exclama Lizzie portant sa main à sa bouche en se sentant un peu stupide.
– Elle aurait eu cinquante ans aujourd’hui, ajouta-t-il en plongeant son regard dans les fleurs avec un effort pour maintenir une expression neutre.
– Je suis désolée, dit Lizzie ne sachant trop que dire en observant son masque impassible, il savait bien cacher ses émotions, car elle ne douta point qu’il en ressentît à cet instant.
Darcy reporta son regard sur elle et releva un sourcil.
– Pourquoi donc Miss Bennet ? ce n’est point votre faute, essaya-t-il maladroitement d’alléger l’ambiance.
– Non, en effet, répondit-elle avec un petit sourire contrit, elle avait compris son intention, elles ont vraiment une très belle nuance de rose.
Elle étendit la main pour effleurer les doux pétales, alors le jeune homme lui tendit le bouquet pour qu’elle puisse les admirer de plus près. Lizzie baissa la tête pour en humer le délicat parfum.
– Et elles sentent divinement bon, remarqua-t-elle.
– C’étaient ses préférées, ajouta-t-il dans un murmure.
Ce qu’ils ignoraient, c’était que non loin de là, cachée dans un fourré à l’orée du sentier de droite, une personne les avait observés sans les entendre, mais avec un grand intérêt avant de s’éloigner d’eux subrepticement pour ne pas être surprise.
Peu après, Darcy laissa Lizzie pour poursuivre son but avec ses fleurs. Après avoir récupéré Pégase, heureux d’être de sortie, il parcourut les quelques miles le menant à la crypte familiale. Il poussa la porte qui grinça et il entra dans le tombeau, ses yeux durent s’adapter à l’obscurité pendant qu’un froid lui parcourut l’échine. Plusieurs de ses ancêtres y reposaient déjà avec ses parents, il fit une pause devant chacun d’entre eux afin de leur témoigner respect et hommage, puis termina par celui de ses parents qui étaient côte à côte. Il parla d’abord à son père de son héritage et de Georgiana dont il prenait bien soin. Puis il finit par sa mère, il lui chuchota toutes ses peines et inquiétudes.
– Ma très chère mère, comme vous me manquez, je me souviens de vos yeux clairs si aimants, de votre douce voix qui savait toujours me réconforter quand j’étais enfant. J’aimerais tellement être encore ce petit garçon insouciant avec ses parents auprès de lui, car qui sera présent à mes côtés pour partager mes joies et mes peines aujourd’hui et dans le futur ?
Il fit une pause sentant l’émotion l’envahir et déglutit, une boule s’était formée dans sa gorge.
– Georgiana vous ressemble de plus en plus chaque jour passant, c’est une jeune femme parfaitement accomplie. Comme je le disais à père, ne vous inquiétez pas, elle s’est parfaitement remise de sa blessure et va très bien. En ce moment elle est avec une amie qu’elle a invitée et les rires remplissent de nouveau les couloirs de Pemberley. Elle s’appelle Elizabeth Bennet, c’est une jeune femme extraordinaire… et je l’aime… je l’aimerai toujours. Je lui ai même demandé de m’épouser, même si elle n’est pas de notre cercle, sa valeur étant bien plus précieuse que toute la fortune ou les titres du royaume. Malheureusement, je me suis comporté comme un imbécile avec elle, et vous savez quoi ? Elle m’a rejeté, mais vous le saviez déjà, n’est-ce pas maman ?
Submergé par l’intensité du souvenir, il prit une inspiration profonde et tremblante.
– J’ai compris ensuite ses raisons, ce qui m’a rendu meilleur, du moins je l’espère. Maintenant elle en aime un autre : mon cousin Richard. Je suis heureux pour eux, le principal étant qu’ils trouvent le bonheur, je saurai bien m’en contenter. Il le faut. Je souhaite seulement que Richard nous reviendra sain et sauf, car pour l’instant nous n’avons aucune nouvelle de lui et je suis terriblement inquiet.
Il s’arrêta à cause des larmes qui lui piquaient maintenant les yeux et le nez, il y avait beaucoup d’émotions à gérer. Il les essuya d’un geste de la main.
– Ah ! J’ai finalement mis les choses au point avec Lady Catherine qui persistait à me faire épouser Anne et j’ai clairement décliné après avoir parlé à ma cousine qui ne désirait pas plus que moi cette union. Pour finir ma chère mère, je voulais vous souhaiter votre anniversaire en vous apportant ces roses qui proviennent de votre jardin et que vous aimiez tant.
Joignant le geste à la parole, il déposa le bouquet sur la dalle funéraire juste en dessous du nom de sa mère gravé dans la pierre. Il prit quelques profondes inspirations pour calmer ses émotions avant de saluer ses parents et rejoindre la lumière.
O&P
Après le déjeuner, Darcy évita les trois femmes résidant dans la maison en passant une bonne partie de la journée en compagnie de Charles. Cette séparation était la bienvenue pour regagner un peu de sérénité et alléger la peine qu’il ressentait à la pensée de sa mère qui était encore plus présente dans son esprit aujourd’hui. Il ne voulait pas accabler Georgiana avec le fardeau de sa tristesse pensant qu’elle serait moins peinée par cette date anniversaire, vu qu’elle n’avait point connue leur mère.
Charles avait finalement décidé de ne pas renouveler le bail de Netherfield, craignant d’être trop envahi par sa belle-mère. Il cherchait donc un domaine disponible rapidement et le Derbyshire faisait partie des comtés qui les intéressaient, lui et son épouse, car situés dans le nord du pays donc assez près de la famille de Bingley sans être trop près, et l’idée de se rapprocher de Darcy n’était pas pour déplaire à Charles. Les jeunes mariés avaient profité de leur voyage de noces pour visiter deux domaines, l’un près de Liverpool où ils avaient passé quelques jours, mais qui s’était révélé trop petit, quant à l’autre situé près de Scarborough, il ne leur avait pas plu. Bingley avait donc entretenu Darcy à ce sujet pour voir s’il connaissait des demeures disponibles à l’achat dans les environs. Darcy en connaissait justement une qui pourrait très bien convenir aux Bingley, mais pour lui assurer davantage de choix il avait écrit une note à son avoué pour lui demander s’il n’en connaissait pas d’autres. En attendant sa réponse les deux amis décidèrent que ce jour était parfait pour aller à cheval faire une visite à Roses Manor, et après avoir informé les dames de leur sortie, ils partirent. Charles fut enchanté du domaine qui était à peu près de la taille de Netherfield et situé à une quinzaine de miles au nord-ouest de Pemberley, il était également dans le Peak District en direction de Manchester.
Entre-temps, après le dîner à Pemberley, Jane avait ressenti une migraine et s’était retirée pour faire une sieste. Lizzie qui connaissait l’importance de ce jour particulier pour Georgiana décida de rester avec elle. Elles se rendirent aux jardins des roses, celui de Lady Anne. La roseraie en pleine floraison était magnifique. Elle était ornée de différents rosiers, des grimpants qui s’enroulaient sur des arceaux formant une allée parfumée, des buissons classés par couleur, … il y en avait pour tous les goûts. Les deux amies s’installèrent côte à côte sur un banc de pierre sous une tonnelle ombragée par des rosiers grimpants de couleur blanche. La jeune fille confia le manque qu’elle ressentait de n’avoir point connu sa mère et qu’elle lui manquait particulièrement depuis cette dernière année. Lizzie comprenait parfaitement, car lorsque l’on devenait une jeune fille, une figure féminine plus âgée était importante. Même si Elizabeth n’était pas proche de sa mère, elle avait quand même reçu l’éducation que seule une femme pouvait prodiguer, surtout au travers de sa tante Madeline qui l’avait beaucoup guidée. Et puis Lizzie avait évolué au sein d’un cercle essentiellement féminin avec ses quatre sœurs, ses deux tantes, sa mère et aussi Charlotte. Georgiana, quant à elle, n’avait que sa dame de compagnie et une tante – la mère de Richard – qu’elle lui avait dit apprécier envers qui se référer. Lizzie avait pu constater par elle-même que son autre tante – Lady Catherine – n’était pas vraiment ce qu’une jeune fille pouvait rechercher de mieux pour la rassurer et se confier. Puis la jeune blonde parla de son frère qu’elle était si heureuse d’avoir et très vite elle exposa les multiples qualités du jeune homme et termina en concluant :
– C’est le meilleur frère au monde, d’ailleurs sans lui je… je ne serais probablement pas là aujourd’hui, dit la jeune fille en baissant la tête.
– Que voulez-vous dire Georgiana ? demanda Lizzie sentant chez son amie le besoin d’en révéler davantage.
– Oh ! Lizzie, je … j’ai fait quelque chose que je voudrais vous confier, dit-elle en relevant la tête les yeux remplis d’inquiétude et de tristesse, mais … promettez-moi de garder le secret, un secret que seuls mon frère et mon cousin, le colonel Fitzwilliam, connaissent.
– Vous pouvez compter sur ma discrétion, Georgiana, répondit Lizzie se demandant bien à quoi s’attendre.
– Mais en vous le dévoilant je crains bien de vous décevoir.
– Cela ne doit pas être si terrible et quoi qu’il en soit je vous promets de ne pas vous juger, répondit Lizzie en serrant la main de son amie pour l’encourager.
– Détrompez-vous, ce que j’ai fait est affreux…
La jeune fille baissa à nouveau la tête en triturant l’étoffe de sa robe pour lisser un pli imaginaire. Lizzie pivota pour faire complètement face à son amie et lui releva le menton avec sa main libre en le tournant afin de la regarder droit dans les yeux.
– Georgiana, pensez-vous que je n’ai jamais fait d’erreurs ? ni même certaines qui aient pu porter préjudices à d’autres ? Et bien si ! Personne n’est parfait, nous faisons tous des erreurs et ce qui importe c’est d’apprendre la leçon qu’elles nous enseignent afin de ne pas les réitérer. Et si nos fautes ont blessé quelqu’un, alors il faut demander pardon et réparer les dommages occasionnés quand cela est possible.
– Merci Lizzie, murmura Georgiana quelque peu soulagée et rassurée.
La jeune Darcy fit une pause. Lizzie attendit patiemment en continuant à lui serrer gentiment la main. Puis, après une grande inspiration, Georgiana tourna la tête et regarda droit devant elle comme pour s’aider à fouiller dans sa mémoire avant de reprendre.
– Cela s’est passé l’été dernier. Après une année difficile au pensionnat, Fitzwilliam décida de m’en retirer et aussi pour me préparer peu à peu à mon entrée en société, il employa donc une dame de compagnie pour moi : Mrs Younge. Et comme j’avais été malade, il pensa qu’un séjour à la mer m’aurait fait le plus grand bien. Ainsi, il nous accompagna à Ramsgate où nous avons une maison, puis il repartit pour gérer ses affaires. Peu de temps après…
Et la jeune fille continua son récit…
Ramsgate juillet 1814
Le lendemain du départ de Darcy, Geogiana et Mrs Younge se promenaient au bord de la plage et croisèrent par pur hasard – enfin Georgiana le crut-elle – un visage que la jeune fille n’avait pas revu depuis quelques années.
-Georgiana !
– George !
– Quel plaisir de vous revoir. Vous voilà devenue une très belle jeune femme, susurra l’homme avec un sourire mielleux.
En entendant sa dame de compagnie se racler délicatement la gorge, la jeune fille se rappela ses bonnes manières.
– Mrs Younge, laissez-moi vous présenter Mr Wickham, un ami d’enfance de mon frère. George, voici Mrs Younge, ma dame de compagnie.
Après quelques banalités, Wickham fit semblant de s’intéresser à la bonne santé de Darcy et accompagna les dames dans leur promenade. Lorsqu’ils se séparèrent, le jeune homme demanda s’il pourrait rendre visite à Georgiana afin de parler du bon vieux temps. Après avoir demandé son avis à Mrs Younge qui approuva, la jeune Darcy accepta. Et c’est ainsi que Wickham rendit visite chaque jour à la jeune fille, toujours en présence de Mrs Younge. Il lui demanda dès le début de ne rien en dire à Darcy sous prétexte de lui faire la bonne surprise lorsqu’il reviendrait la chercher à la fin de son séjour. Parfois ils se promenaient le long de la plage.
Après deux semaines, la dame de compagnie laissait de plus en plus souvent Georgiana s’éloigner avec Wickham. À la maison, elle s’absentait quelques minutes les laissant entièrement seuls, de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps laissant le champ libre au jeune homme pour courtiser la jeune fille. Celle-ci qui se sentait bien seule, sans aucun parent et avec une femme dont elle venait à peine de faire la connaissance, était heureuse de revoir quelqu’un qu’elle avait très bien connu. Elle pensa à son père qui aimait beaucoup George, comme un fils. Wickham lui faisait des compliments et savait exactement quoi dire et quoi faire pour la faire tomber peu à peu dans ses filets de séducteur. Puis un jour, il lui avoua son amour et son désir de s’enfuir avec elle pour se marier à Gretna Green (2). Au début, elle fut réticente à l’idée de se marier sans l’assentiment et la présence de son frère pourtant, elle se sentait valorisée et se croyait l’héroïne profondément amoureuse dans une belle histoire romanesque. Wickham faisait de plus en plus pression sur elle, lui disant que ce serait une preuve d’amour si elle acceptait. Il joua aussi la sensualité, un frôlement par-ci, une caresse soi-disant involontaire par-là, un baiser prolongé sur la main, puis sur l’intérieur du poignet et de la paume. Les défenses de la jeune fille faiblissaient de jour en jour sous l’influence aussi de ses premiers émois amoureux.
Un après-midi, ils étaient à l’abri des regards dans une crique rocheuse, le jeune homme avait décidé de l’embéguiner davantage par ses propos et la jeune fille finit par céder et accepter des attentions de Wickham qu’elle aurait jugées d’impropres encore quelques jours plus tôt. Il l’embrassa d’abord dans le cou pour asseoir son succès, puis au moment où il allait l’embrasser sur ses lèvres, il entendit une voix qu’il reconnut le faisant sursauter.
– WICKHAM ! ôtez vos sales pattes de ma sœur immédiatement ou vous êtes un homme mort !
– DARCY ?! s’écria Wickham en relâchant brutalement Georgiana.
– Fitzwilliam ! s’exclama la jeune fille confuse portant une main à sa poitrine.
Georgiana était mortifiée d’être surprise ainsi dans les bras d’un homme, mais aussi soulagée au plus profond d’elle-même, car son frère, qu’elle vénérait et aimait tant, était là. Pourtant, elle était interloquée par le mode sur lequel il s’était adressé à Wickham, et en le voyant courir avec cette expression qui la fit frémir, elle sut que son frère était clairement très en colère. Elle supposa que c’était parce que l’homme qu’elle croyait aimer avait pris des libertés avec elle, et ça, elle savait parfaitement que ce n’était pas acceptable chez une demoiselle de son rang. Elle n’eut pas longtemps à s’interroger, car en voyant Darcy se précipiter vers eux la rage au ventre, Wickham prit peur et, le lâche qu’il était, poussa violemment Georgiana pour la faire tomber et ainsi faire diversion afin de lui permettre de s’enfuir. La jeune fille perdit l’équilibre, tomba et heurta violemment la tête sur l’un des rochers en perdant connaissance juste devant son frère horrifié.
Elle se réveilla dans un lit trois jours plus tard, puis elle sombra de nouveau dans l’inconscience pour plusieurs heures toujours entre la vie et la mort. Pendant plusieurs jours elle se balança ainsi dangereusement entre conscience et inconscience. Peu à peu, les états de veille devinrent de plus en plus longs, mais elle mit plusieurs mois à se remettre complètement des séquelles de sa chute et même un an après elle souffrait encore de sévères migraines.
.
Pemberley, août 1815
– Heureusement que mon frère avait décidé de me rendre une visite imprévue, car il s’inquiétait pour moi, dit Georgiana pour terminer son récit tout en éclatant en larmes.
– Oh Georgie, ma pauvre chérie ! s’exclama Lizzie choquée par le comportement de Wickham et émue par l’épreuve endurée par son amie qu’elle serra dans ses bras et caressa gentiment.
Après quelques minutes de sanglots, la jeune fille retrouva ses esprits.
– Lizzie, voulez-vous toujours être mon amie ? demanda, timidement et même avec crainte, Georgiana.
– Bien sûr que oui, Georgie, vous avez été la victime d’un scélérat qui vous a manipulée. Mais je ne comprends pas que Mrs Younge vous ait laissée errer ainsi.
– Lorsque mon frère arriva à la maison de Ramsgate, nous étions absentes, mais la domestique lui indiqua que nous faisions une promenade tous les jours près de la plage en compagnie de l’un de ses amis d’enfance. Ayant un mauvais pressentiment, Fitzwilliam s’empressa de nous rejoindre et c’est Mrs Younge qu’il aperçut en premier, mais seule. Il la rejoignit étonné de ne la voir point en ma compagnie. En voyant sa colère à cause de sa négligence, elle lui indiqua où nous nous trouvions et en profita pour retourner rapidement à la maison où elle prit à la hâte de l’argent et mes bijoux, puis s’enfuit. Elle ne prit pas le risque d’empaqueter tous ses effets et on retrouva dans les affaires qu’elle avait abandonnées la dernière lettre qu’elle avait échangée avec Wickham, et d’après son contenu elle était sa complice.
– Nooon ! mais n’avait-elle point de bonnes références ? demanda Lizzie interloquée.
– Elles étaient falsifiées.
– Oh mon Dieu !
– Après le mariage, ils comptaient se partager ma dot, mais d’après mon frère Wickham envisageait probablement de garder le butin pour lui seul. Oh ! Lizzie, je me sentais si honteuse d’avoir fini par accepter ses… attentions ! …, la jeune fille inspira en hoquetant avant de continuer la voix tremblante, Fitzwilliam m’a avoué qu’ils n’étaient plus amis depuis plusieurs années, que Wickham avait un mauvais comportement, qu’il avait laissé des dettes derrière lui que mon frère avait rachetées afin de pas mettre dans l’embarras les pauvres marchands dupés… Et enfin qu’il avait l’habitude de… qu’il avait l’habitude de séduire les femmes. Ensuite, c’est Fitzwilliam qui m’a demandé pardon pour ne pas m’avoir mise au fait de ses agissements plus tôt, il se sentait si responsable de mes malheurs. Mais moi je ne peux pas m’empêcher de me sentir coupable.
– Je pense que vous avez, certes, une part de responsabilité Georgie, celle d’avoir été trop naïve de penser qu’il était correct de passer du temps, seule, avec un jeune homme qui vous courtisait. Pourtant, les vrais coupables ne sont ni vous, ni votre frère, mais bien Wickham et Mrs Younge, ce sont eux, deux adultes rusés, qui ont profité de l’innocence d’une jeune fille esseulée d’à peine quinze ans qu’ils n’ont pas hésité à manipuler. Lizzie fit une pause avant de demander à son amie, qu’en avez-vous retiré Georgie ?
– De toujours me fier à mon frère et lui demander son avis avant de décider quoi que ce soit.
– Mais encore ?
– Qu’il n’est pas correct de rester seule avec un homme.
– Mais encore ?
– et… de lui laisser prendre… des libertés, répondit-elle en baissant la tête.
– Alors vous avez bien compris la leçon, Georgiana et c’est l’essentiel.
– Mais comment savoir lorsqu’un homme est sincère ? Comment pourrais-je savoir à l’avenir si un prétendant m’aime vraiment pour moi et non pour ma dot et mes relations ?
– C’est une question difficile et vous êtes encore très jeune, mais un homme sincère dans ses sentiments et intentions ne cherchera pas à vous manipuler ou à essayer de vous changer, il vous montrera le plus grand respect que ce soit physique ou moral. Quand Wickham vous a persuadée de vous enfuir, quelle a été votre première pensée ?
– Que cela n’était pas convenable, que Fitzwilliam ne serait pas content.
– Alors pourquoi avoir fini par accepter ?
– Wickham m’a convaincue que ce serait une preuve d’amour.
– Qu’en concluez-vous ?
Georgiana réfléchit quelques instants, puis la lumière se fit.
– Il a utilisé les sentiments que j’éprouvais envers lui contre mon propre intérêt, mais pour le sien. Il m’a manipulée pour obtenir ce qu’il voulait, peu lui importait que je souhaitais que mon frère assiste à mon mariage.
– Exactement, alors la prochaine fois qu’un homme vous montrera de l’intérêt et vous demandera d’agir contre votre première intuition, demandez-vous à qui cela profiterait-il ?
– J’aurais dû me méfier, mais mon père l’appréciait beaucoup, c’était son filleul et il le traitait comme s’il était son fils adoptif, alors j’ai pensé que je pouvais lui faire confiance, et puis l’idée était si romanesque, et aussi… je me sentais tellement seule, dit-elle tristement.
– Vous étiez vulnérable et il en a profité, c’est un homme expérimenté dans l’art de la séduction, de plus votre dame de compagnie a trahi votre confiance et celle de votre frère. Mais la bonne nouvelle est que maintenant vous êtes plus forte, cette épreuve vous a fait grandir, dit Lizzie avec affection avant de penser « si seulement Lydia et Kitty pouvaient acquérir plus de sagesse également et ne pas commettre de folies. »
– Merci Lizzie, pour tout, de m’avoir écoutée et conseillée.
– Et comment vous sentez-vous avec Mrs Annesley ?
– Bien, je vois la différence maintenant entre ses conseils et ceux de Mrs Younge. Fitzwilliam a vérifié personnellement chacune de ses références. Mais j’aimerais tellement avoir une sœur… une sœur comme vous Lizzie dont je me sente proche en plus d’avoir confiance, déclara la jeune fille avec sentiment en regardant son amie avec une prière silencieuse.
– Je suppose qu’un jour viendra où votre frère… se mariera – mais pourquoi avait-elle eu du mal à le dire ? – et votre souhait sera exaucé. Je pense qu’il est temps de rentrer jeune fille, finit-elle pour faire diversion.
Georgie remarqua l’hésitation de Lizzie et crut voir une certaine langueur mélangée de tristesse dans ses yeux.
Après quelques minutes pour que Georgiana puisse se recomposer et éliminer toute trace de son précédent malaise, les deux filles se mirent lentement en marche.
En retournant vers le château, elles tombèrent sur Darcy et Bingley qui venaient de laisser leur monture aux écuries. Darcy était en conversation avec le chef jardinier. Lizzie n’avait pas été témoin du début de la conversation, mais elle entendit la réponse du domestique qui écorna quelques syllabes.
– Beaucoup mieux Mr Darcy, elle est hors d’danger maint’nant. Merci ‘core pou’l’médecin, ma femme et moi nous vous en s’rons éternell’ment r’connaissants.
– Ce n’était pas grand-chose, Johnson, le principal est qu’elle se remette très vite sur pied, dit humblement Darcy.
– Miss Darcy, Elizabeth, salua Charles, avez-vous passé une bonne journée ?
– Très bien merci, répondit Lizzie.
Darcy termina rapidement sa discussion et se tourna vers elles.
– Ah ! Miss Bennet, Georgie, il inclina la tête en leur direction pour les saluer.
Devant l’air curieux de Lizzie, Georgiana y vit une opportunité supplémentaire de vanter les bons mérites de son frère, alors elle lui chuchota :
– Fitzwilliam a fait envoyer à ses frais notre médecin personnel au chevet de la fille de Johnson ce qui lui a sauvé la vie. La pauvre petite a …
– Georgie, coupa son frère, il est impoli de faire des messes basses, la gronda-t-il gentiment.
– Oui, pardon Fitzwilliam, dit-elle avec un sourire espiègle.
– Mais où est Jane ? s’inquiéta Bingley.
– Elle est montée se reposer un peu, le rassura sa belle-sœur, alors comment avez-vous trouvé le domaine ?
– Il est parfait et je crois qu’il plaira beaucoup à Jane, j’ai hâte de l’emmener le visiter. Mais elle n’est pas malade au moins ? ne put-il s’empêcher de demander.
– Non, Charles, je crois simplement que c’est le voyage de noces qui l’a fatiguée, lui répondit-elle sur un ton taquin.
– Ah ! euh… Oui, il est vrai que nous avons été… enfin, nous avons parcouru pas mal de distances ces dernières semaines, dit Charles en rougissant, je vais aller la voir.
Lizzie et Darcy sourirent avec affection en observant la gêne du jeune homme, puis sa préoccupation au sujet de sa jeune épouse.
– Je vais me changer. Je vous revois pour le souper, dit Darcy laconiquement.
– Ne prendrez-vous pas le thé avec nous ? demanda sa sœur déçue.
– Non, je suis désolé, je le prendrai dans mon bureau, j’ai des papiers urgents à régler.
Lizzie observa le jeune homme, elle était perplexe. Elle ne cessait de découvrir de nouvelles facettes de sa personnalité si complexe et qu’il cherchait à cacher derrière son masque impénétrable. Aujourd’hui elle avait appris deux choses de plus à son sujet : il était très attaché à sa mère et il était généreux et plein de sollicitude avec ses servants, mais avec humilité. Pourtant, elle l’avait cru si prétentieux. Elle l’avait tellement détesté dans le Kent, mais ensuite des côtés inattendus de son caractère s’étaient dévoilés, et plus elle en discernait et plus elle appréciait ce qu’elle voyait. Il était indéniable qu’il était respecté et considéré par tous, y compris par ses domestiques, ce qui en disait long sur la valeur d’un homme. Combien de gens de la bonne société étaient connus pour maltraiter la domesticité, les considérant guère mieux que du bétail, en les sous-payant, les méprisant, les battant même, sans parler des femmes parfois abusées par leur maître. Elizabeth savait et réprouvait tout cela, elle qui avait toujours respecté tout le personnel employé à Longbourn ou chez les Gardiner.
Darcy recelait encore quelques-uns de ses mystères, mais peu à peu elle le mettait à jour.
Le prochain chapitre sera 100% Lizzie & Darcy et rempli d’émotions…
Notes :
(1) « Courir le guilledou » est une ancienne expression française qui signifie rechercher, multiplier les aventures galantes. Le mot « guilledou » ne s’emploie que dans cette locution.
(2) Gretna Green est un village du Sud de l’Écosse, le premier rencontré juste après la frontière avec l’Angleterre sur la Grande route vers le Nord, il était célèbre pour la possibilité qu’il offrait aux couples mineurs de s’y marier sans autorisation des parents.
Commentaires récents