Chapitre 18: le Mont Oakham

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre et sa contribution à son amélioration.

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Merci pour les nouveaux « reviews, favoris et follows ».

Lydia restera à Longbourn pour l’instant, mais j’ai en tête un rôle à jouer pour elle dans la suite de cette histoire qui n’est pour l’instant qu’une ébauche. J’ai préféré développer le rôle de Georgiana pour changer, c’est donc elle que vous retrouverez dans d’autres chapitres.

Vous reverrez le comte et la comtesse vers la fin de l’histoire.


La sonate de l’amour

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Un homme ne doit jamais rougir d’avouer qu’il a tort ; car, en faisant cet aveu, il prouve qu’il est plus sage aujourd’hui qu’hier.

– Jean-Jacques Rousseau –

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Pour vous mettre dans l’ambiance et mieux ressentir l’état d’esprit de Darcy ici, je vous conseille vivement d’écouter la chanson dont parle ce chapitre « Ae fond kiss » et plus particulièrement la superbe version de Robyn Stapleton qui a une magnifique voix (voir vidéo plus bas), j’en ai des frissons chaque fois que je l’entends.

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Chapitre 18 : le Mont Oakham

À l’instar d’un fantôme, Darcy traînait sa peine comme un boulet. Il s’était levé tôt, avant ses hôtes et sa sœur, car il avait envie de prendre l’air, de faire de l’exercice pour éliminer toutes les émotions de ces dernières semaines, il n’en avait guère eu l’occasion à Londres. Aux écuries, il s’était fait donner la direction du Mont Oakham par le palefrenier, il savait que c’était l’endroit favori de Miss Elizabeth et il avait envie d’y faire un tour et de voir avec ses propres yeux ce dont elle avait parlé. Il avait enfourché Pégase et, après un échauffement, il l’avait lancé au galop pour parcourir le plus gros du chemin qui traversait un paysage boisé avec essentiellement des hêtres. Les couleurs de ces bois étaient changeantes, un camaïeu de verts était créé par la lumière matinale à travers le feuillage des arbres et le sol était encore jonché d’un tapis bleu-mauve de jacinthes sauvages en fin de floraison. Les clochettes exhalaient un doux parfum qui faisait penser au muguet, mais surtout, c’était aussi l’une des notes du parfum de Miss Elizabeth que Darcy reconnut. Il ralentit sa monture quelques minutes pour s’en imprégner, c’était plus fort que lui, il savait bien que la jeune femme ne serait jamais la sienne et que c’était se tourmenter que d’agir ainsi, mais il s’adonna à cette faiblesse, toutefois il se retint de démonter de son cheval pour cueillir quelques fleurs. Enfin, il atteignit des coteaux calcaires et le Mont Oakham. Le jeune homme attacha son étalon à une palissade et finit la route à pied, pour en atteindre le sommet. Il y avait un arbre et quelques gros rochers.

Il se tourna vers la vallée et profita du tableau pastoral depuis cette hauteur isolée, qui offrait une vue panoramique sur les collines de Chiltern (1) et sur la campagne du Hertfordshire creusée de ruisseaux, divisée par des haies, tapissée de bosquets, parsemée de villages sillonnés de rues et ruelles. Ces collines crayeuses abritaient une grande richesse de bâtiments fascinants situés dans un écrin de verdure luxuriante en cette fin de printemps: de charmants cottages en briques et en silex, des granges rustiques, l’église médiévale du village en contre-bas et de magnifiques demeures seigneuriales, comme celles de Netherfield ou de Longbourn. Darcy contempla le réseau de chemins qui rejoignaient la Icknield Way et la Ridgeway, ces anciens sentiers qui dataient probablement de la préhistoire, et qui serpentaient dans le paysage. Darcy n’était pas surpris que Miss Elizabeth, ayant grandi dans la région, aimât se promener dans cet environnement magnifique qui avait des attraits certains. D’après la position du soleil actuellement à l’est et qui était dans son dos, il devinait au loin la ville de Luton vers sa droite, d’où il voyait la fumée s’élever de quelques maisons ; celle de Saint-Albans devait donc se trouver derrière cette colline à sa gauche, du moins si son sens de l’orientation ne lui faisait pas défaut (2), pensa-il en tournant sa tête lentement et en admirant le paysage.

Un Milan Royal (3) majestueux planait dans les cieux, peut-être à la recherche d’une proie. Il s’approcha très près de Darcy en poussant un cri, probablement attiré par la curiosité. Le jeune homme leva les yeux en suivant le parcours du rapace, en l’observant à son tour tandis qu’il s’éloignait. Sa tête et sa gorge étaient d’un gris-blanc strié de sombre. D’après son plumage c’était un mâle, un très beau spécimen, son corps était brun-roux, ses ailes l’étaient aussi, mais avec des taches blanchâtres sur le dessous et sa queue, qui était profondément fourchue, avait un aspect gris-blanc avec des pointes noires.

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Darcy devait bien admettre que cette région était belle même s’il était habitué aux splendeurs plus sauvages du Derbyshire. Il n’avait pas eu vraiment l’occasion d’explorer les environs, et de toute façon pas depuis ce point de vue particulier, lorsqu’il était venu visiter Netherfield avec Charles, l’été dernier, avant que son ami signât le bail.

Il trouva un coin à l’ombre du chêne séculaire, ôta son chapeau et ses gants de cuir et s’y installa, appuyant son dos contre le tronc, pour méditer avec pour seuls compagnons les regrets et la souffrance d’un amour non partagé. Le fait d’avoir revu Elizabeth, seulement six semaines après son rejet, avait versé du sel sur la plaie de son cœur blessé. Elle était encore plus belle que dans ses souvenirs et il n’avait pas retrouvé cette colère qu’elle avait eue au fond des yeux la dernière fois qu’il l’avait vue dans le Kent. Mais elle avait eu l’air gênée, même si son attitude montrait davantage d’amabilité à son égard. Comment n’avait-il pas vu sa réticence à être en sa présence avant et comment n’avait-il pas compris, ni vu qu’elle lui avait clairement montré qu’elle avait de l’antipathie envers lui ? Maintenant, en ayant observé sa façon d’être avec lui lors du dîner chez les Bennet, il avait réalisé que cela n’avait pas été de la taquinerie pure, mais qu’elle avait cherché à le blesser avec tous ses traits d’esprits à propos de ses défauts, ce n’était pas de la badinerie subtile. Et cela lui faisait encore plus mal. Mais à quoi s’était-il attendu après l’avoir déclarée juste passable et pas assez belle pour le tenter dès le début de leur rencontre, et après avoir dédaigné ses amis, et même son cousin, aussi ridicule fût-il ? Il passa une main dans ses cheveux, frustré. Chacun avait des parents dont il pouvait se sentir embarrassé sa propre tante, Lady Catherine, s’était montrée si rude à l’égard de la jeune femme, pas de quoi être fier ou arrogant. Il désirait tellement lui faire des excuses, il faudrait absolument qu’il en trouvât l’opportunité avant de repartir.

Et Richard ? Où était-il en ce moment ? Il venait juste de recevoir une lettre du colonel, elle avait été expédiée depuis la Belgique quelques jours avant dans laquelle il avait écrit qu’il venait de s’embarquer pour le continent. Il y avait des rumeurs d’une bataille imminente et Darcy était vraiment très inquiet pour son cousin. Dire qu’il n’avait même pas pu le saluer, ni le féliciter pour ses fiançailles avec Miss Elizabeth ! Mais comment aurait-il pu à ce moment-là ? Il n’était qu’un homme, avec ses faiblesses. Il aimait ces deux êtres très profondément, alors aujourd’hui, il leur souhaitait sincèrement tout le bonheur du monde, même si cela était aux dépens du sien. C’était entièrement sa faute s’il n’avait pas su se faire aimer, ni même simplement apprécier de la jeune femme. Et puis Richard était un homme bien qui méritait d’être heureux. Certes, il ressentait encore de l’envie de savoir qu’il avait su gagner un trésor tel qu’Elizabeth Bennet, car il savait que jamais plus il ne retrouverait son égale, mais avec le temps il espérait et il travaillerait à ce que ce sentiment s’estompe à défaut de disparaître, il avait bien conscience que ce ne serait pas facile, car il la verrait régulièrement, mais Fitzwilliam Darcy était un homme d’honneur, loyal, droit et volontaire, et il surmonterait cela.

Tout en méditant, son odorat fut titillé par une senteur subtile et mystérieuse, il reconnut alors encore l’une des notes du parfum de l’élue de son cœur. Il en chercha l’origine et découvrit dans l’ombre un tapis de violettes. Cette fois, il ne put s’empêcher de cueillir quelques fleurs pour les humer profondément, désespérément. Ce serait sa dernière faiblesse, car maintenant, il devait faire ce qu’il n’avait pas encore eu le courage de faire jusqu’à présent, son cœur devait faire ses adieux à Elizabeth, Lizzie comme l’appelaient ses proches, alors, pour une fois, il se permettrait de la nommer ainsi dans le poème ‘Ae fond kiss’ de Robert Burns qui avait été mis en musique et qu’il chanta doucement, tout en adaptant très légèrement les paroles à sa situation.

Not even (4) Ae fond kiss, and then we sever!

Ae farewell, alas forever!

Deep in heart-wrung tears I’ll pledge thee,

Warring sighs and groans I’ll wage thee.

Who shall say that Fortune grieves him,

While the star of hope she leaves him ?

Me nae cheerful twinkle lights me,

Dark despair around benights me.

I’ll ne’er blame my partial fancy:

Nothing could resist my Lizzie (5)!

For to see her was to love her

Love but her, and love forever.

Had I (6) never lov’d sae kindly,

Had I (6) never lov’d sae blindly,

never met – or never awfully behaved (7)

I (6) had never been broken-hearted.

Fare-thee-weel, thou(my) first and fairest!

Fare-thee-weel, thou(my) best and dearest!

Thine be ilka joy and treasure,

Peace, Enjoyment, Love and Pleasure!

Not even (4) Ae fond kiss, and then we sever!

Ae farewell, alas forever!

Deep in heart-wrung tears I’ll pledge thee,

Warring sighs and groans I’ll wage thee.

À la fin sa voix finit par se casser, son nez et ses yeux piquèrent. Il ne put retenir une larme qui s’échappa pour venir s’écouler sur sa joue et qu’il essuya négligemment. Contrairement au titre original de la chanson, il n’avait jamais échangé un tendre baiser avec Miss Elizabeth.

Il soupira.

Il devrait apprendre à désaimer la jeune femme. Il devrait arracher, comme on le ferait d’une mauvaise herbe, cet amour qui avait germé et s’était d’abord enraciné tout au fond de son cœur, avant de s’enrouler tout autour comme une liane, dont il sentait maintenant les épines qui s’y agrippaient et le transperçaient. Mais était-ce seulement possible ? Pourrait-il le faire sans s’extirper le cœur tout entier de la poitrine ? Sans saigner jusqu’à en dépérir ?

Il ressentit comme jamais tout le poids de sa solitude et de toutes les charges qui pesaient sur ses épaules, et visiblement il continuerait sa route, mais seul, car il n’envisageait pas de se marier avec une autre, c’était au-dessus de ses forces d’aimer une autre femme. Quant à un mariage de convenances, il n’en était plus question. Avant de connaître Elizabeth, il l’aurait éventuellement envisagé, ne serait-ce que pour avoir un héritier, mais certainement plus maintenant, certainement pas après avoir connu Elizabeth Bennet. C’était définitif, il resterait célibataire. Pemberley, qui contrairement à Longbourn, pouvait très bien être transmis à une femme après sa mort, donc à Georgiana et ensuite à son fils aîné, à défaut sa fille. Sa famille ferait pression pour le faire changer d’avis, c’était certain, mais il gérerait ce problème en temps voulu.

Il sortit sa montre : 10h20, il était temps de reprendre le chemin de Netherfield. Ses occupants avaient conservé les horaires de la ville, mais ils ne devraient pas tarder à se lever pour prendre le déjeuner. Il avait aussi des choses à voir avec Charles au sujet du domaine et il ne voulait pas laisser Georgiana seule avec Miss Bingley trop longtemps. Il se releva, regarda autour de lui et cria pour que la nature lui soit témoin et pour libérer ses tensions :

– Adieu ! puis il fit une pause avant de reprendre dans un murmure pour lui-même, comme s’il n’osait pas prononcer ces mots : adieu mon amour… adieu délicieuse et précieuse Lizzie…

Après un dernier coup d’œil sur le panorama qui s’offrait à lui, il remit son chapeau et ses gants en prenant tout son temps, il avait du mal à quitter les lieux. Il prit le bouquet de violettes qu’il avait formé, puis reprit le chemin du retour. Après quelques pas, au détour d’un rocher, il tomba nez à nez avec… Miss Elizabeth. Elle portait une simple robe couleur primevère, son bonnet laissait échapper quelques mèches rebelles qui voletaient au gré de la brise, son teint de pêche était lumineux et ses yeux, rendus brillants par l’exercice, dansaient.

– Miss Eli… Bennet ! s’exclama Darcy décontenancé se demandant si elle avait pu entendre son adieu.

– Bonjour Mr Darcy, répondit Lizzie en rougissant.

– Je… Vous… vous portez-vous bien ce matin ? il rougit aussi.

– Oui, je vous remercie et vous ?

– Très bien, merci. Et vos parents, vos sœurs ? demanda-t-il un peu gauchement.

– Ils vont tous très bien aussi. Et votre sœur ?

– Elle se porte bien aussi.

Un moment de silence gêné s’installa, ils n’osaient pas garder un contact visuel. C’était une chose de se revoir en présence d’autres personnes, et cela avait déjà était difficile pour eux, mais c’était ô combien plus délicat de se retrouver ainsi en tête-à-tête. Chacun d’eux était mortifié par le souvenir de la discussion, non, querelle, qu’ils avaient eue à Hunsford. Ils avaient honte des paroles qu’ils avaient proférées sous le coup de la colère, et même sans colère pour Darcy au début de son insultante déclaration. Le jeune homme réalisa que c’était l’opportunité qu’il recherchait pour présenter ses excuses, il ouvrit la bouche et inspira pour commencer, mais il fut interrompu dans son élan par Elizabeth qui reprit la parole.

– Georgiana est vraiment une personne tout à fait délicieuse.

– Oui, merci, elle aussi vous a beaucoup appréciée.

– En parlant de famille… veuillez excuser la… spontanéité de mes plus jeunes sœurs et de ma mère, ainsi que l’humour très… particulier de mon père, j’espère qu’ils n’auront pas trop embarrassé Miss Darcy non plus.

– N’ayez point d’inquiétude, Miss Bennet, ma sœur est habituée à pire avec Lady Catherine, répondit-il avec humour, au moins vos proches étaient toute gentillesse.

– Elizabeth émit un petit rire, elle était surprise de la bonne réaction du gentleman, mais où donc était passé l’homme arrogant, austère et froid qu’elle avait côtoyé dans le Kent ? Aurait-il pris à cœur ses reproches ? Mr Darcy ne cessait de l’étonner depuis peu.

Un nouveau moment de silence gêné s’ensuivit avant que le jeune homme ne se jette à l’eau. Il prit un air très sérieux et embarrassé à la fois.

– Miss Bennet, … il fit une pause pour se donner du courage, permettez-moi de vous présenter toutes mes excuses les plus sincères pour… pour mon si déplorable comportement dans le Kent, dit-il en l’observant attentivement.

– Mr Darcy, moi aussi je dois vous présenter des excuses pour vous avoir si mal jugé, notamment à propos de vos affaires avec… Mr Wickham qui, de toute façon, ne me concernaient nullement. Le colonel Fitzwilliam m’a informé de la nature pernicieuse de cet homme, ou devrais-je plutôt dire de ce fripon, dit-elle soulagée. Elle était contente d’avoir cette opportunité qu’il lui offrait de lui rendre la pareille.

– Non, Miss Bennet, vous ne pouviez pas savoir. « Et encore vous ignorez le pire ! » ajouta-t-il silencieusement. Je connais très bien Mr Wickham et je sais qu’il peut être très convaincant.

– J’avais tout de même eu des doutes à son sujet, car à peine avais-je fait sa connaissance qu’il abusait de vous avec prolixité alors que je ne vous connaissais même pas ! Tout cela pour excuser son manque de fortune et sa faiblesse de caractère.

– Il faut dire que par mon attitude, je vous ai fourni de bonnes raisons de le croire a posteriori.

Lizzie pensa effectivement que ce fut après avoir connu Mr Darcy qu’elle avait fini par croire les allégations mensongères portées contre lui par le lieutenant Wickham. Après un bref silence elle reprit la parole.

– Je vous propose d’accepter nos excuses mutuelles et de laisser cela dans le passé, monsieur, et de repartir sur de nouvelles bases.

– Je suis entièrement d’accord, Miss Bennet, surtout que… « nous allons bientôt devenir cousins, je dois donc aussi vous féliciter », faillit-il dire, mais les mots refusèrent de sortir, il n’était pas sûr de pouvoir garder un air serein, ni de pouvoir contrôler sa voix s’il disait cela. Cependant, il était soulagé par sa réaction.

– Surtout que ?

– Je vous souhaite tout le bonheur que vous méritez, sa voix tremblait un peu d’émotion, mon cousin est un homme bon, loyal et charmant, mais ça… vous le savez déjà, réussit-il à prononcer.

Lizzie pensa que Darcy voulait la convaincre d’accepter la demande du colonel à son retour en vantant ses qualités et elle se dit que, soit les sentiments de Darcy à son égard avaient été anéantis par son terrible rejet, soit il n’était pas l’homme égoïste qu’elle croyait qu’il fût. Elle l’aurait su si elle l’avait entendu murmurer son prénom et ses adieux plus tôt.

– En effet, merci pour vos bons souhaits Mr Darcy, dit-elle en se mordillant la lèvre inférieure. Avez-vous des nouvelles du colonel Fitzwilliam ? demanda-t-elle timidement, elle savait qu’elle était sur un terrain délicat, mais elle voulait avoir des nouvelles de l’officier.

Darcy imagina un instant que le nom de « Fitzwilliam » qui avait roulé sur sa langue comme une caresse à ses oreilles, n’était autre que son prénom qu’elle avait prononcé, mais très vite il se reprit en fustigeant son traître de cœur intérieurement. Il n’avait pas le droit de penser ainsi.

– J’ai reçu une lettre il y a deux jours, il se portait très bien.

– Savez-vous où il se trouve?

– Sur le continent, mais je ne sais pas exactement à quel endroit.

Les deux jeunes gens se turent, chacun espérait silencieusement que l’officier était et resterait sain et sauf. Lizzie décida de changer de sujet pour alléger l’ambiance qui avait revêtu un habit de tristesse. Serait-ce un bouquet de violettes (9) qu’il essayait de cacher plus ou moins ? Elle eut envie de le taquiner un peu :

– Est-ce pour venir chercher des violettes que vous êtes venu jusqu’ici ?

– Euh… non, mais je les ai trouvées si…, je les ai trouvées par hasard, bégaya-t-il, enfin j’aime beaucoup ces fleurs, et je voulais… en rapporter à Georgiana, finit-il par dire maladroitement car il ne pouvait pas lui dire qu’elles lui rappelaient son parfum.

– Elles devraient lui plaire… Ce sont mes fleurs préférées, avoua-t-elle distraitement avant d’ajouter rapidement en donnant un coup d’œil vers le soleil, il est temps que je rentre sinon ma mère va encore me disputer sur mes habitudes de sauvageonne à courir la campagne, dit-elle en riant doucement.

– Me permettriez-vous de vous accompagner sur une partie du chemin ? J’ai laissé Pégase à la palissade.

– En effet, je l’ai vu en montant ici, et oui monsieur, je serai ravie que vous m’accompagniez.

Darcy sentit de la sincérité dans sa voix, et puis il se dit qu’elle n’avait pas cherché à l’éviter en ayant vu sa monture. Il commençait à mieux saisir les humeurs de la jeune femme et songea que s’il avait su le faire plus tôt… non, il ne devait toujours pas penser ainsi et laisser les regrets l’envahir à nouveau.

Chapitre 19

Pauvre Darcy qui croit toujours que Lizzie et le colonel sont fiancés !

Dans le prochain chapitre Georgiana aura l’opportunité de mettre en œuvre son plan…

En attendant je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes de fin d’année.


Notes:

(1) Les collines de Chiltern s’étendent sur environ 70 miles en diagonale à travers des parties de l’Oxfordshire, du Buckinghamshire, du Bedfordshire et du Hertfordshire. Les collines de craie qui remontent du Hertfordshire s’élèvent vers le haut jusqu’à Haddington Hill, à Buckinghamsire, pour rejoindre leur point culminant dans l’Oxfordshire, dans la vallée de la Tamise.

Sources : https://www.chilterns.org.uk/

(2) Meryton qui est le village à côté de Longbourn est un village imaginaire, mais en tenant compte des différents indices trouvés dans le roman certains supposent que Meryton pourrait être le village d’Harpenden, d’autres encore celui de Hertford chacun peut avoir sa propre opinion. Le Mont Oakham est aussi imaginaire, mais après quelques recherches je suppose qu’il devait se situer dans les environs des collines des Chiltens. Je me suis donc servi de tous ces renseignements pour décrire le paysage « virtuel » vu par Darcy dans ce chapitre. Peut-être avez-vous un avis différent à ce sujet, n’hésitez pas à m’en faire part.

https://austenonly.com/   (site privé)

(3) Le Milan royal (nom latin Milvus milvus ou Red kite en anglais mot à mot signifiant cerf-volant rouge en français) est un rapace typique des collines des Chilterns. En ancien français et encore au XVIe siècle, il est appelé escoufle. On le rencontre essentiellement dans l’ouest de l’Europe, c’est aujourd’hui un oiseau protégé inscrit sur la liste rouge des espèces menacées en France et quasi-menacée dans le reste du monde.

Sources : 3w (point) redkites (point) net

(4) Chanson sur un poème de Robert burns (1791), « Un tendre baiser » vous pouvez écouter sur Youtube la superbe version de Robyn Stapleton qui a une magnifique voix.

(5) « Not even » (pas même) a été ajouté par Darcy pour pouvoir s’appliquer à sa situation

(6) Nancy dans le texte original

(7) We (nous) dans le texte original

(8) – or never parted – jamais séparés dans le texte original

Traduction que je vous propose du texte modifié par Darcy et en essayant d’avoir trouvé des rimes correctes. Si vous avez de meilleures suggestions, je suis preneuse.

Pas même un tendre baiser, et nous sommes séparés !

Un adieu, hélas à jamais !

Noyé dans les larmes d’un cœur brisé, je te promets,

Je t’offrirai des soupirs et des gémissements mêlés.

Qui ne dirait que Fortune du chagrin ne donne

Quand l’étoile de l’espérance l’abandonne ?

Quant à moi, aucune lueur dont je suis éclairé;

Un noir désespoir me plonge dans l’obscurité.

Jamais je ne blâmerai mon penchant pour la fantaisie :

Rien ne pouvait résister à ma Lizzie !

Car la voir, c’était l’aimer,

N’aimer qu’elle, et l’aimer à jamais.

Si je ne t’avais jamais aimée aussi tendrement,

Si je ne t’avais jamais aimée aussi aveuglément,

Jamais rencontrée – ou jamais horriblement comporté –

Je n’aurais jamais eu le cœur brisé.

Adieu, toi la première et la plus délicieuse !

Adieu, toi la meilleure et la plus précieuse!

Que joie et trésors te soient donnés,

Satisfaction, Amour, Plaisir et Paix!

(Pas même) Un tendre baiser, et nous sommes séparés !

Un adieu, hélas à jamais !

Noyé dans les larmes d’un cœur brisé, Je te promets,

Je t’offrirai des soupirs et des gémissements mêlés.

(9) Dans le langage des fleurs, la violette représente l’innocence, la modestie et la pudeur, par allusion à la petite corolle qui semble hésiter à sortir de son écrin de feuilles. Toujours dans le langage des fleurs, la violette en bouquet, entouré de feuilles, symbolise l’amour secret.

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