Chapitre 16: on ne choisit pas sa famille (partie 1)

La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre et sa contribution à son amélioration.

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Pour répondre à la question d’un(e) guest: les Gardiner interviendront d’une certaine façon et vous les reverrez très bientôt dans le chapitre 19.

Et pour faire plaisir à un(e) autre guest Georgiana est de retour dans ce chapitre ! 🙂


La sonate de l’amour

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Il n’y a point de tableau plus charmant que celui de la famille.

– Jean-Jacques Rousseau –

(à prendre ici dans le sens ironique)

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Chapitre 16 – 1ère partie : on ne choisit pas sa famille…

Darcy avait récupéré sa sœur juste avant de partir pour le Hertfordshire, au domaine de son ami Charles Bingley : Netherfield. Georgiana avait beaucoup insisté pour l’accompagner, puisque sa dame de compagnie, Mrs Annesley, avait demandé à rejoindre sa famille, car son père était mourant, et la jeune fille ne voulait pas rester seule chez son oncle, le comte de Matlock, préférant être auprès de son frère. Darcy en était content, car ce serait une occasion pour que sa sœur se change un peu les idées, et comme le colonel l’avait informé que le régiment de Wickham avait dû quitter Meryton au plus tard à la fin mai, il ne voyait donc pas d’obstacle à ce qu’elle l’accompagnât. Il savait aussi que tôt ou tard ils seraient en présence de Miss Elizabeth, et bien que ce serait une peine pour lui, il pensait que sa sœur ne pourrait que bénéficier de la compagnie de la jeune femme.

Depuis leur dernière rencontre, l’adolescente l’avait trouvé plus amaigri et avec des yeux cernés, ce qui l’inquiéta beaucoup. Durant le voyage, elle remarqua que l’expression de ses yeux était souvent triste dès qu’il pensait ne point être observé, et qu’il était régulièrement perdu dans ses pensées. Ayant elle-même traversé une période difficile, elle sentait que quelque chose s’était passé dans la vie de son frère. Que s’était-il produit ? Serait-ce une peine de cœur ? Il lui avait parlé d’une femme qu’il aimait, mais qui n’était pas de leur cercle, cette tristesse était-elle dû à cela ? S’était-il finalement résigné à ne pas l’épouser ? se demandait-t-elle. Elle voulait savoir ce qui se passait chez son frère, il s’était ouvert avec elle déjà une fois, peut-être pourrait-elle l’aider ? Mais lorsqu’elle le questionna discrètement sur son état, il prétendit qu’il avait juste été un peu malade – sans préciser que c’était d’amour –, mais que tout allait bien. La jeune fille laissa de côté le sujet pour l’instant, mais elle se promit d’élucider la question.

Quand ils arrivèrent à Netherfield après une demi-journée de voyage, Charles était ravi de les revoir et sa sœur Caroline les accueillit avec effusion. Darcy venait en effet juste d’aider Georgiana à descendre du carrosse qu’il entendit des pas rapides faire crisser le gravier derrière lui. En se retournant, il vit Miss Bingley se précipiter vers eux et s’arrêter à courte distance, à la limite de la décence.

– Oh, Mr Darcy, Miss Darcy, quel ravissement de vous recevoir chez nous ! s’exclama Miss Bingley en joignant les mains. Il y a si longtemps que je ne vous avais vue, Miss Darcy, plus d’un an. Vous êtes si grande maintenant, presque autant que moi ! elle émit un ricanement en prenant la main de Georgiana. Et vous, Mr Darcy, vous avez une mine superbe ! finit-elle en lui jetant une œillade qu’elle pensa séduisante.

« Quelle flagorneuse ! », pensa le principal concerné, car il savait très bien que ça n’était pas le cas.

– Merci de nous accueillir, Miss Bingley, répondit-il poliment en faisant une courbette, mais sans laisser paraître ses pensées.

Caroline se hâta d’agripper le bras de Darcy qui laissa, résigné, sa sœur être accompagnée par Bingley pour entrer dans la demeure.

– Vous savez, la société locale n’est pas des plus raffinées ! puis elle ajouta à voix basse en profitant pour se rapprocher davantage du grand brun afin que Charles ne l’entendît pas, j’aurais tellement aimé que Charles acquiert un domaine dans le Derbyshire, votre comté est si magnifique. C’est presque la fin du bail, alors peut-être pourriez-vous l’en convaincre, Mr Darcy ? le cajola-t-elle.

– Je pense que c’est à Charles et à sa future épouse d’en décider. « Encore le même refrain », pensa-t-il avec un soupir intérieur.

– Mais habituellement vous êtes de si bon conseil, dit-elle en battant des cils.

– Il est temps que Charles prenne son envol, il sera bientôt marié, après tout, il répondit d’un ton ennuyé en regardant devant lui.

Du coin de l’œil Darcy vit que Miss Bingley ne put contrôler un petit rictus de désapprobation. Il savait qu’elle comptait sur lui pour obtenir ce qu’elle voulait, mais désormais c’était le genre de décision que son ami devrait prendre seul avec sa compagne. Darcy s’en tenait à ses bonnes résolutions de ne plus décider à la place des autres de ce qui était bon pour eux. Miss Elizabeth serait fière de lui… non, elle ne le serait pas puisqu’elle le détestait !

Étonné par l’absence des Hurst, il apprit qu’ayant un engagement à Londres, ceux-ci n’arriveraient que la veille du mariage. Il pensa que c’était étrange et se demanda s’il y avait quelque autre raison.

Après s’être rafraîchi, Darcy fit un tour des lieux accompagné de Georgiana et avec Charles comme guide. Heureusement, Miss Bingley était occupée avec sa femme de charge, Mrs Nicholls, pour donner ses derniers ordres concernant le confort de ses invités de prestige, ainsi que le dîner, donc il n’avait pas à supporter ses minauderies, pour l’instant. Le grand brun constata les améliorations réalisées, tant dans les aménagements que dans les réparations. Quant à la décoration, un peu trop ostentatoire à son goût, il savait que c’était Miss Bingley qui en était responsable. Une raison supplémentaire pour ne pas la considérer comme possible candidate pour devenir son épouse, s’il lui en fallait encore une.

Le jour suivant, Darcy appliqua de nouveau ses bonnes résolutions en faisant des efforts de cordialité lorsque Charles l’introduisit auprès de certains de ses voisins. Ainsi, il fit la connaissance des Goudling, des Long, des Harrington et de Mrs. Lucas venue rendre visite à Netherfield avec son époux Sir William qui se montra plus à l’aise avec Darcy qui en déduisit que c’était grâce à son attitude plus avenante qu’à Rosings. La société était peut-être un peu rustre, comparée à celle de la ville, mais les gens n’y possédaient point de malice et l’avaient accueilli avec leur cœur. Darcy se demanda comment il se serait comporté avec eux avant sa prise de conscience ? Probablement qu’il les aurait dédaignés jugeant qu’ils n’auraient pas mérité son attention.

Le soir, alors que Georgiana s’était retirée assez tôt à cause de l’une de ses migraines que Mrs Nicholls prit en charge, Darcy et Bingley en profitèrent pour s’isoler dans le bureau, au grand dam de Caroline qui ne put que rester éloignée de « son cher » Darcy. Les deux amis s’installèrent chacun dans un fauteuil, un verre de Brandy à la main que Charles venait de leur servir.

– Merci Charles, soupira Darcy en posant sa tête sur le dossier de son fauteuil et en fermant les yeux pour un instant. Un peu de tranquillité ! J’avoue, et ne m’en veuillez pas de dire cela, que je ne supporte plus les œillades et les minauderies de votre sœur. N’a-t-elle toujours pas compris que jamais je ne lui ferai ma demande ? lâcha le brun exaspéré avant de siroter une gorgée du liquide ambré.

– Je lui ai pourtant déjà dit, et plusieurs fois, mais elle reste dans ses illusions. Elle pense que si vous n’êtes pas encore marié c’est que vous ne vous sentez pas encore prêt, mais que lorsque vous le serez ce sera pour elle.

– Faudra-t-il donc que je lui dise moi-même ? gémit-il, ce serait vraiment très gênant, mais la situation ne peut perdurer davantage !

– Elle compte aussi être invitée à Pemberley en août lorsque nous y serons, Ja… Miss Bennet et moi, annonça Charles tout penaud en brossant une poussière imaginaire de la manche de sa redingote.

– On se demande bien pour quelle raison ? dit Darcy ironiquement et en soupirant.

– Ne vous inquiétez pas, mon ami, il n’en est pas question, je serai ferme là-dessus. Et puis, hésita-t-il un instant, je n’ai pas encore eu l’occasion de vous en parler, Darcy, mais Louisa et surtout Caroline ne sont pas dans mes bonnes grâces en ce moment. Elles ont tout fait pour me séparer de Miss Bennet.

– Pourquoi ne suis-je pas surpris ?! répondit le brun en secouant la tête lentement de droite à gauche et vice versa.

– En effet vous voyez que Louisa n’est pas ici, j’ai accepté de bon gré sa décision de retarder son arrivée. Malheureusement, je n’ai pas eu autant de chance avec Caroline qui ne perdrait jamais l’occasion d’être en votre compagnie le plus longtemps possible. Charles sourit en coin à son ami et ensuite soupira en redevenant sérieux. De toute façon j’ai besoin d’une hôtesse et Caroline est bien contente d’occuper ce rôle. Après un autre soupir et une petite pause, Bingley reprit son récit. Dès le lendemain du bal que j’ai tenu fin novembre, alors que j’étais parti à Londres pour résoudre quelques affaires urgentes, Caroline a pris la décision de fermer Netherfield et de me suivre avec les Hurst en ville. Elle a écrit une lettre à Miss Bennet, à mon insu, insinuant que j’avais de l’affection envers la sœur d’un ami très cher et de bonne famille. Je vous rassure, elle n’a pas cité votre nom, dit-il en voyant Darcy à la fois inquiet et sa colère qui montait.

– Bien mal lui en aurait pris ! sans offense aucune envers vous Charles, mais ma sœur est beaucoup trop jeune pour se marier, il but une gorgée de Brandy.

– Bien sûr ! Et puis mon cœur était déjà engagé envers mon ange, dit-il avec un doux sourire. Mais il y a pire, Caroline a écrit une deuxième lettre indiquant que je ne reviendrai pas dans le Hertfordhire et en plus, mes sœurs m’ont caché que Miss Bennet leur avait fait une visite de courtoisie à Londres. Pendant ce temps-là, elles m’ont entraîné plusieurs fois par semaine à toutes les mondanités en acceptant, à mon insu, toutes les invitations que nous recevions pour me tenir éloigné et occupé. Je suis désolé Darcy, mais je dois vous révéler que Caroline a même usé de votre nom pour obtenir certaines entrées.

– Non ! Elle n’a pas osé ? s’exclama Darcy indigné qui faillit renverser sa boisson en se redressant. Il posa le verre sur la petite table à côté de lui.

– Malheureusement si, dit Bingley tout penaud, il sirota un peu du liquide ambré pour se donner contenance.

Darcy fit un geste d’impatience avec sa main.

– Cette fois elle est allée trop loin !

– Elles ont aussi essayé de me convaincre que Miss Bennet n’était qu’une chasseuse de fortune poussée par sa mère à me piéger dans un mariage sans amour, que je finirais par l’oublier comme toutes les autres, que je méritais une épouse de plus hauts rang et richesse. Et je dois dire qu’elles ont presque réussi, car j’étais en plein doute. Miss Bennet est une jeune femme très pudique avec ses sentiments et j’avais fini par croire qu’ils n’étaient pas aussi profonds que je le pensais. Mais heureusement, après deux mois d’incertitude, mes sentiments n’avaient non seulement pas diminué, bien au contraire, ils étaient devenus plus intenses, elle me manquait. J’étais malheureux comme je ne l’avais jamais été, toutes mes pensées et mes rêves étaient remplis d’elle. Alors pour la première fois dans ma vie, je suis allé contre l’avis de mes sœurs et je suis retourné à Longbourn pour en avoir le cœur net. Ce fut difficile d’expliquer une si longue absence. Là, j’y ai appris que Miss Bennet était à Londres depuis la fin décembre chez son oncle. J’ai donc demandé la permission à son père de lui rendre visite là-bas, il a heureusement accepté, poussé par son épouse. Et c’est lors de ma première visite chez les Gardiner, que j’ai découvert le pot aux roses ! Jan… Miss Bennet était d’abord réticente et c’est sa tante qui m’a demandé pourquoi j’avais mis si longtemps à venir la voir. Après quelques explications j’ai tout compris, alors j’ai confronté Caroline et Louisa qui m’ont expliqué n’avoir tout d’abord pas reçu les deux lettres que Miss Bennet m’a dit leur avoir envoyées pour signifier sa présence en ville, et ensuite qu’elles avaient oublié de m’informer de sa visite alors qu’elles étaient sous mon propre toit ! Je ne sais pas si cela est vrai, mais si c’est le cas leur erreur a bien failli me coûter mon bonheur.

– Eh bien mon ami, je vous félicite, car vous êtes devenu un homme, mais êtes-vous sûr qu’elles ne vous ont pas menti à dessein ?

Pour Darcy, qui abhorrait la dissimulation, mentir de la sorte à un frère était indigne, inexcusable et impardonnable, car pour lui il ne pouvait en être autrement. Il avait déjà observé les agissements des sœurs de Bingley dans le passé pour en être convaincu, une autre preuve de leur malice : elles avaient osé se faire recommander de lui sans même lui avoir demandé la permission, c’était inadmissible et il devrait le leur faire savoir, d’une manière ou d’une autre. Pour en revenir à la fiancée de Charles, il aurait pu comprendre leurs manigances si Miss Bennet avait été une chasseuse de fortune. Probablement que l’ancien Darcy aurait-il lui-même essayé de le dissuader d’épouser la jeune femme s’il avait pensé qu’elle l’était vraiment, mais de ce qu’il avait pu observer entre Charles et sa fiancée, et aussi ce qu’il savait de Miss Elizabeth, ce n’était point le cas. Quoi qu’il en fût, le mensonge n’était pas supportable.

– Pensez-vous qu’elles auraient pu aller jusque-là ? Ma fiancée a l’inclination de les croire sincères.

– Dans ce cas, Charles, vous êtes aussi généreux l’un que l’autre, car je n’aurais pas cette indulgence, répondit Darcy.

Il se retint d’ajouter ce qu’il aurait fait à sa place, mais puisqu’il se rappela de s’être promis de ne plus influencer son ami qui, après tout, avait su montrer qu’il avait été capable de prendre seul de bonnes décisions, que ce fût ici à Netherfield ou dans sa vie personnelle. Il ne donnerait plus de conseils non sollicités. Personnellement, Darcy aurait donné à Caroline – qui avait dépassé la majorité – sa dot et l’aurait installée dans une demeure avec une dame de compagnie. Ainsi elle ne serait plus la responsabilité de Bingley qui n’aurait plus à payer les factures de sa sœur qui dépassaient toujours la rente qui lui était allouée. Charles avait grandi, il devait donc décider de ses arbitrages.

– Nous sommes vraiment faits l’un pour l’autre, dit Bingley l’air béat.

– Charles… vous êtes non seulement devenu un homme, mais aussi un gentleman digne de ce nom, votre père aurait été fier de vous s’il avait été encore de ce monde, déclara Darcy.

– Merci, mon ami, ça me touche beaucoup venant de vous. J’ai réalisé que je comptais trop sur vous, votre avis et vos conseils en tout domaine, prendre ce bail m’a obligé à prendre peu à peu mes propres décisions.

– Surtout que je vous ai fait défaut en ne venant pas vous aider sur place à l’automne dernier, j’en suis vraiment désolé Charles…, Darcy avait l’air contrit.

– Non, il ne faut pas mon ami, votre sœur avait besoin de vous. Heureusement, elle semble aller mieux sinon vous ne l’auriez pas amenée avec vous.

– Oui, en effet, dit Darcy sans développer.

– Et puis vous m’avez aidé : votre régisseur, Mr White, m’a bien épaulé au début et vos lettres m’ont donné de précieux conseils pour démarrer.

– Je n’ai pourtant pas écrit bien souvent, dit le brun sur un ton désolé.

– Ne vous tourmentez pas pour si peu, Darcy ! Vous aviez d’autres soucis !

Chapitre 16 suite

Ne ratez pas la 2ème partie de ce chapitre, car ce sera, enfin, la rencontre (tant attendue par certains lecteurs) des Darcy avec toute la famille Bennet… 😉

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