Chapitre 7: le retour du héros

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La sonate de l’amour II: à la conquête du bonheur

Chapitre 7: le retour du héros

Les Matlock savaient que leur majordome ne les aurait pas dérangés pour un courrier insignifiant, la contenance quelque peu défaite et agitée de l’homme, qui normalement était imperturbable, en disait long. Le comte lui fit signe de s’approcher. Il saisit la lettre alors que Lady Claire se penchait pour découvrir l’identité de l’expéditeur. Elle porta sa main à sa poitrine, tant l’émotion fut grande et ils s’exclamèrent en même temps :

– Richard !

– Mon fils !

Darcy fut le premier à réagir vivement à cette annonce. Lui qui, habituellement, affichait toujours une attitude posée en toute circonstance, en apercevant les expressions étonnées mais joyeuses de ses proches ne put contenir un cri d’espoir et de joie en agrippant les bras du fauteuil dans lequel il était assis.

– Il est vivant !

Georgie fit écho à son frère et Lizzie ressentit une vive émotion. Tous manifestèrent un vif intérêt alors que le comte brisait le cachet de cire, les mains tremblantes. Il porta le monocle, qu’il gardait dans une petite poche de son gilet, accroché par une chaînette, à la hauteur de son œil et le coinça entre le haut de sa joue et son arcade sourcilière. L’objet tomba une première fois, tant son geste était incertain sous le coup de l’émotion. Il le remit en place alors que toute l’assemblée était suspendue à ses lèvres, tendue comme la corde d’un arc. Le silence était totale. Il lut pour lui-même les premières lignes ne sachant pas à quoi s’attendre, tandis que Lady Claire plissait les yeux pour en faire autant et afin de chasser les larmes qui commençaient à se former.

– Qu’écrit-il ? C’est bien lui, n’est-ce pas ? demanda Darcy impatient et inquiet en observant sa tante pleurer, est-il en bonne santé ?

– Oui, comment va-t-il ? demanda Georgiana à son tour très concernée également, la main sur sa poitrine.

Quant à Lizzie, elle priait silencieusement pour que le courrier soit porteur de bonnes nouvelles.

– Oui, c’est Richard qui écrit! Il est vivant et maintenant en bonne santé, répondit le comte la voix tremblante. Il pouvait à peine parler, alors après avoir fini de lire la courte missive, jugeant que tous pouvaient être informés de son contenu, il tendit la lettre à son neveu.

– Tenez Darcy, vous pouvez la lire à haute voix.

Le grand brun s’empara du papier avec empressement et commença la lecture, le cœur battant.

Le 10 septembre 1815,

Résidence de Lord Beecham, Marquis de Grantham

Chers parents,

Tout d’abord, laissez-moi vous rassurer, je suis en vie et maintenant en bonne santé. Je suis désolé de ne pas vous avoir donné de mes nouvelles plus tôt, mais j’ai été blessé au mont Saint-Jean durant la bataille finale le 18 juin et je suis resté inconscient durant deux jours. Puis à mon réveil, j’avais tout oublié jusqu’à mon propre nom. J’ai été recueilli et soigné avec la plus grande attention chez Lord Beecham. Lorsqu’il m’a trouvé près de sa demeure, j’étais sur le cheval d’un lieutenant nommé Dickson d’après un document récupéré sur sa monture, Lord Beecham en a donc déduit, à tort, que j’étais ce Dickson, voilà pourquoi j’ai été porté disparu.

Maintenant je suis guéri de toutes mes blessures et j’ai recouvré toutes mes capacités physiques ainsi que tous mes esprits. Je prends actuellement des dispositions pour revenir au plus vite auprès de vous.

J’ai hâte de vous retrouver tous et, je l’espère, en bonne santé.

Affectueusement,

Votre fils, Richard.

– Richard va bientôt revenir, s’écria Georgie en pleurant de joie et en tapant dans ses mains.

Lizzie échangea un regard avec William, il était visiblement heureux et soulagé, tout comme elle. Pourtant, une ombre se profilait déjà : que se passerait-il lorsqu’il serait revenu ? Elle ne voulait pas être la source d’une discorde entre les deux cousins et ainsi gâcher les retrouvailles. Mais qu’y faire ?

Les occupants de la pièce se mirent à discuter des détails de la lettre de Richard et à faire des suppositions. Beaucoup de questions fusèrent et surtout la principale : quand serait-il là ?

O&P

En raccompagnant les deux sœurs chez Bingley qui n’était pas encore rentré, Darcy demanda à s’entretenir seul avec Lizzie. Jane qui devina qu’il devait vouloir discuter du colonel accepta à condition que la porte du salon soit laissée entre-ouverte. Jane emmena Georgiana avec elle dans le salon de musique qui était contigu. Cette dernière s’installa au pianoforte pour y jouer quelques airs.

– William, je suis si heureuse pour cette bonne nouvelle au sujet du colonel Fitzwilliam. Quel soulagement pour vous et votre famille, dit Lizzie en posant sa main sur le bras du jeune homme.

– J’avoue que je commençais à abandonner l’idée de le revoir un jour. J’ai hâte de le rencontrer en chair et en os pour me convaincre totalement qu’il est bien en vie et en bonne santé, déclara-t-il.

– Oui, je vous comprends.

Un silence un peu gêné s’ensuivit, car chacun d’eux ne savait comment aborder le sujet qui les tracassait. Ce fut Lizzie qui se lança la première.

– William, promettez-moi une chose…, commença-t-elle en serrant son bras et en le regardant attentivement.

– Laquelle ? demanda-t-il en sondant ses yeux.

– De tout faire pour ne point vous brouiller avec votre cousin à cause… à cause de moi.

– Vous n’avez point changé d’avis, n’est-ce pas ? Je suis toujours votre choix ? murmura-t-il en posant sa main sur la sienne.

– À mon tour de vous demander : pensez-vous sincèrement que je sois si inconstante ? C’est vous que j’aime William et de plus en plus chaque jour. Et vous, supporterez-vous votre choix face au colonel ?

– Oui, je n’ai qu’une parole, Lizzie, affirma-t-il en fronçant légèrement les sourcils.

– Je le sais bien, je voulais vous montrer que chacun de nous pourrait se poser de légitimes questions et je crois qu’il va falloir apprendre à ne plus douter de notre amour, l’un envers l’autre.

– Oui, vous avez raison, mon amour. Il fit une pause. Et je vous promets de tout faire pour ne pas rompre les liens entre Richard et moi, déclara-t-il tout en l’enlaçant.

Lizzie se lova en plaçant sa joue contre la poitrine de son fiancé qui posa son menton sur le dessus de sa tête. Ils restèrent ainsi dans les bras l’un de l’autre quelques instants en se baignant dans la chaleur et la senteur rassurantes de l’autre. Puis, elle s’écarta légèrement pour le regarder droit dans les yeux.

– Quand… quand avez-vous compris que vous m’aimiez ? À quel moment particulier ? demanda Lizzie curieuse, après tout vous m’aviez trouvée juste passable, et pas assez belle pour vous tenter, le taquina-t-elle.

– Oh, Lizzie, ne me le rappelez pas, je vous en prie, car c’était entièrement faux, commença-t-il en lui caressant tendrement la joue. Vous êtes la plus belle femme de ma connaissance, tant au niveau de l’enveloppe que de l’esprit. Je voulais juste éviter que mon cousin ne m’asticotât. Il adore tant se moquer de moi, or je voyais très bien où il voulait en venir, à savoir l’un de ses sujets favoris : mon célibat prolongé, répondit-il encore mortifié qu’elle eût pu entendre alors cette contrevérité, puis il continua. Je ne puis vous fixer ni le jour, ni le lieu, pas plus que vous dire le regard ou les paroles qui ont tout déterminé. Il y a bien trop longtemps. J’étais déjà bien trop avancé sur le chemin de l’amour avant même de m’apercevoir que je m’étais mis en route. J’ai d’abord refoulé mes sentiments pensant qu’il s’agissait juste d’un engouement. Après avoir résolu les problèmes qui m’avaient appelé à Pemberley en urgence, je me suis réfugié à Londres avant de revenir à Rosings Park. J’y suis resté davantage de temps que nécessaire et j’ai assisté à quelques soirées mondaines, pour y rencontrer… il fit une pause embarrassée, l’éventuelle future Mrs Darcy qui me ferait vous oublier. Mais aucune d’entre elles n’a souffert la comparaison avec vous, très chère Elizabeth, dit-il en lui caressant la joue avec sa main droite, et j’ai compris. J’ai compris que mon amour pour vous était si grand que mon esprit ne pouvait plus ignorer ce que mon cœur savait déjà, termina-t-il la voix et le regard remplis d’émotion.

– Mais tous ces regards que vous me portiez, j’ai cru que vous cherchiez mes défauts, remarqua Lizzie.

– Oh, ce n’était point pour chercher vos défauts, croyez-moi, très chère Lizzie, rectifia-t-il avec un regard intense.

– Mais alors, quoi d’autre ? demanda-t-elle fébrile tout en ayant une supposition.

– Permettez-moi, mon amour, de vous répondre seulement après notre mariage, répondit-il le regard assombri, je vous le montrerai autrement que par des mots, ajouta-t-il de façon téméraire sa main droite avait rejoint l’autre sur la taille de la jeune femme où il les serra inconsciemment. Darcy pensait que sa Lizzie ne devait pas être de ce genre de colombe à se laisser effaroucher par des mots aussi suggestifs, elle devait bien avoir une vague idée de ce dont il parlait. C’était aussi une façon de tester en douceur sa réceptivité aux activités futures auxquelles ils allaient goûter à partir de leur nuit de noces… et il ne fut pas déçu de sa réaction. Il dut se maîtriser pour ne pas perdre le contrôle de lui-même en cet instant en fermant brièvement les yeux pour se recentrer sur un autre sujet, car tout ce qu’il désirait était de l’embrasser jusqu’à lui faire perdre haleine, et même bien davantage…

Lizzie frissonna, alors que, paradoxalement, une vague de chaleur envahissait tout son être, et ses joues s’empourprèrent à la confirmation de son hypothèse. Le regard de cet homme, qu’elle avait cru si souvent être critique, était donc vraiment admiratif et même rempli… de désir ? Elle avait commencé à comprendre cette notion et à ressentir ce qu’était le désir depuis peu, c’était puissant. Et cela lui plaisait. Elle attendait avec curiosité et anticipation ce jour où ils seraient unis, dans tous les sens du terme. Visiblement, William ne la jugeait point pour sa façon de répondre sans montrer de fausse réticence aux libertés qu’il prenait parfois avec elle. Elle était maintenant rassurée sur ce point. Sous des abords froids couvait, en fait, un homme passionné, comme elle, mais que la société avait bridé dans son carcan de bonnes manières. Elle avait vraiment hâte de découvrir et d’explorer davantage cet aspect de son fiancé.

– Et vous Lizzie ? Quand votre avis sur moi a-t-il changé ? demanda doucement Darcy l’interrompant dans ses songes.

– C’est arrivé petit à petit. Tout d’abord, le colonel Fitzwilliam a corrigé certaines de mes erreurs de jugement à propos de… Wickham. Lorsque j’étais à Pemberley, Georgiana m’a confié ce qu’il lui avait fait et j’ai compris à quel point il était un ruffian de la pire espèce. Ensuite, je vous ai découvert peu à peu, tout d’abord à Longbourn, puis ensuite à Pemberley, votre attitude envers votre sœur, votre personnel, envers ma famille et moi-même. J’ai enfin pu apprécier toutes vos qualités, l’homme bon et généreux que vous êtes. Sans parler de cette balle que vous avez prise pour moi. Et je dois vous avouer, ajouta-t-elle en rougissant de plus belle, que j’ai été attirée par vous dès notre première rencontre. Mais votre attitude et vos mots envers moi…enfin, vous savez…

– Vous ai-je plu alors ? demanda-t-il entre la surprise et l’amusement… mais c’est mon attitude inqualifiable qui vous a offensée, il fit une pause en l’observant acquiescer d’un hochement de la tête. Il regrettait de l’avoir blessée par ses erreurs passées, il reprit, heureusement que vous avez fait de moi un homme meilleur, en me montrant mes égarements, vous m’avez enseigné l’humilité. J’ai voulu être digne de mériter une femme exceptionnelle telle que vous, car vous méritez d’être satisfaite et d’avoir le meilleur des époux… ce que je m’efforcerai d’être chaque jour du reste de ma vie, termina-t-il avec sincérité.

– Mais vous avez toujours été cet homme, William, vous vous étiez seulement perdu en chemin. Votre sœur, votre famille, Bingley et toutes les personnes qui travaillent pour vous et vous sont proches, vous aiment et vous respectent, cela en dit long sur votre caractère, sur votre valeur. Vous avez dû endosser tant de responsabilités et si jeune, à l’âge où les jeunes hommes sont encore insouciants pouvant compter sur leurs parents pour les guider et sans avoir la responsabilité d’élever une enfant sur le seuil de l’adolescence, une période très difficile dans la vie d’une jeune fille, et croyez-moi, je connais bien le sujet, finit-elle en riant.

Darcy d’abord ému par les mots de Lizzie sourit à cette dernière remarque. Il lui caressa la joue en remerciement silencieux, avant de saisir l’une des boucles de ses cheveux et de l’enrouler autour de son index il la lissa avec son pouce, c’était comme de la soie. Il inhala profondément pour se remplir de son odeur enivrante.

– Puis-je vous demander… quelle est cette fragrance qui vous enveloppe ? Elle est à la fois si mystérieuse, subtile et raffinée.

– C’est une huile parfumée que je fabrique moi-même. Vous imaginez bien que nous autres, les Bennet, n’avons pas les moyens de nous procurer l’une des dernières créations de chez Floris, singea-t-elle Miss Bingley, les faisant rire tous les deux. C’est un mélange de violette, de jacinthe des bois et j’y ajoute un peu de jasmin que Mr Gardiner se procure en Chine.

– Croyez-moi, je préfère votre création à celles que toutes les femmes du beau monde adoptent. Elle vous sied à ravir, de plus elle est unique, comme vous. Et savez-vous que le jasmin est considéré en Orient comme le symbole de la beauté et de la tentation féminine ? demanda-t-il d’une voix rauque et avec des yeux de braise.

Et ajoutant le geste à la parole, Darcy, sur une impulsion, ne résista plus et se pencha pour humer le cou de Lizzie avant d’y déposer ses lèvres gourmandes. La jeune femme frissonna en poussant un petit cri très aigu de plaisir surpris. Ce qui dut alerter Jane, malgré le fond musical, qui vint toquer à la porte qui s’entrouvrit davantage en demandant si tout allait bien. Le couple se sépara confus et rougissant jusqu’aux oreilles.

O&P

Un peu plus tard, après le départ des Darcy, Jane entraîna Lizzie dans son boudoir où nul servant ne pourrait les entendre. Elles s’installèrent confortablement dans un canapé.

– Je suis désolée de vous avoir interrompus, tout à l’heure, mais vis-à-vis de Georgiana je ne pouvais pas… commença Jane embarrassée.

– Ne vous inquiétez pas Jane chérie, interrompit Lizzie, je le comprends fort bien et ce n’est point à vous de vous sentir gênée, mais à William et moi, finit-elle avec humour, mais en rougissant.

– Alors qu’est-ce qui a provoqué ce cri ? demanda l’aînée d’un air complice.

– Oh Jane, soyez bonne et ne m’embarrassez pas plus avant, implora la cadette.

– Vous oubliez, ma chère petite sœur, que j’ai été fiancée il y a peu, dit Jane avec un clin d’œil.

– Et moi qui imaginais ma sœur aînée, un exemple parfait de bonne convenance, s’exclama Lizzie sur un ton faussement déçu.

Les deux sœurs se mirent à rire, mais après une pause Jane reprit plus sérieusement.

– J’imagine que votre discussion s’est, en partie du moins, portée sur le colonel Fitzwilliam, la question était rhétorique.

– Oui, c’était indispensable pour nous rassurer mutuellement sur notre choix, notre décision de nous marier qui est ferme et définitive.

– Je suis tellement heureuse pour vous Lizzie, vous méritez autant de bonheur que moi, dit la blonde en lui prenant la main affectueusement.

– Oh Jane, je l’aime tant, mais sa famille… vous avez vu comment ils nous ont pris de haut, enfin surtout moi.

– La comtesse et surtout Lady Suzan, car je dirais que vous avez fini par charmer le comte, finit-elle avec un sourire rassurant.

– Oui, peut-être, c’est ce que m’a dit William. Je suis inquiète aussi au sujet du colonel Fitzwilliam lorsqu’il apprendra que j’épouse son cousin ! Je ne voudrais pas être la source d’une rupture entre les deux. Le colonel est ce que William a de plus proche d’un frère, finit-elle en soupirant.

– Rien ne sert de s’inquiéter à l’avance, Lizzie, peut-être que tout finira par s’arranger. Après tout, ce n’est pas comme si vous étiez fiancés. Et d’après ce que vous m’en avez dit, le colonel est une personne intelligente, qui a même défendu Mr Darcy.

– Ah Jane, toujours à voir le bon côté des gens, finit Lizzie en souriant paresseusement.

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En rentrant chez eux, les Darcy trouvèrent aussi une lettre du colonel datée du même jour que celle reçue par les Matlock et dont le contenu était sensiblement le même. Ils s’attendirent donc à voir débarquer leur cousin à tout moment. Leur attente ne fut pas longue puisque dès le lendemain matin, le colonel Fitzwilliam se présenta à leur domicile. En attendant l’entrée de Richard annoncée par Bolton, Darcy était nerveux, surtout qu’il ne savait pas ce qu’avait pu apprendre son cousin au sujet de ses fiançailles, car les Matlock avaient pu lui en parler. Il préférait que ça ne fût pas le cas, car il souhaitait lui dévoiler la nouvelle lui-même.

– Darcy, Georgie ! Quel plaisir de vous revoir, s’exclama le colonel en entrant.

– Richard ! s’écria Georgie en se blottissant dans les bras de son cousin et tuteur en versant des larmes de joie.

– Autant que nous de vous revoir enfin, et sur pieds malgré vos blessures, dit Darcy qui attendait que Georgie s’écartât afin de faire une accolade à Richard. Il était très ému.

– Pas trop déçus de me revoir alors ? taquina le colonel fidèle à lui-même, en regardant tour à tour les Darcy.

– Bien sûr que non ! s’exclama Georgie faussement indignée, je vais sonner pour qu’on nous apporte une collation.

– C’est inutile si c’est pour moi ma princesse, je viens juste de déjeuner.

Darcy jaugeait l’attitude de son cousin, essayant de déceler le moindre indice sur sa connaissance ou non de son engagement, mais pour l’instant : rien de significatif. Georgie invita son cousin à s’installer confortablement dans un fauteuil, les Darcy s’assirent en face de lui.

– Mais dites-nous Richard, comment vous portez-vous ? êtes-vous complètement remis de vos blessures ? demanda Darcy en portant un regard attentif sur toute la personne de son cousin essayant de détecter le moindre signe de blessure rémanente. Il avait remarqué une légère claudication lorsqu’il était entré dans la pièce.

– Rien d’invalidant, je vous rassure. Juste de quoi me vanter dans notre club et de mériter le titre de héros. Et puis, c’est très efficace pour attirer les conquêtes… Oh oui, je dois surveiller mon langage en présence de chastes oreilles, s’interrompit-il une lueur insondable dans les yeux, avant de reprendre, ma jambe est complètement guérie et j’ai regagné toute ma mémoire dans ses moindres détails, termina-t-il en détachant bien chaque syllabe des derniers mots tout en observant Darcy qui décroisa et recroisa ses jambes nerveusement.

– Quand êtes-vous rentré ? nous étions chez vos parents pas plus tard qu’hier, demanda Darcy.

– Je suis arrivé en fin d’après-midi, je vous ai ratés de peu semble-t-il.

– Oh, mais vous auriez pu rencontrer la future épouse de William ! s’exclama Georgie spontanément, ignorante de la rivalité qui existait entre les deux hommes au sujet de Lizzie.

Darcy sentit de la sueur froide couler dans son dos et perler à son front. Peut-être aurait-il dû informer Georgie au sujet de Richard et d’Elizabeth. Son innocente petite sœur ne serait alors pas en train de le placer sur la sellette dans une situation des plus inconfortables.

– La future épouse de Darcy? demanda Richard d’un air faussement innocent d’abord en la regardant, puis avec une pointe de malice lorsqu’il posa ensuite son regard sur Darcy.

« Il sait », pensa ce dernier avec appréhension.

– Oui, William va se marier ! s’exclama-t-elle, dans sa double joie, celle de revoir Richard et celle du prochain mariage de son frère, elle en avait oublié les convenances : c’était à son frère d’annoncer lui-même la nouvelle.

– Nooon, ce vieux célibataire endurci ! Une tentative de compromission a-t-elle fini par aboutir ? Pauvre Darcy, dois-je vous présenter mes sincères regrets, plutôt que des félicitations ? demanda le colonel en ayant l’air de plaisanter.

Il jouait avec les nerfs de Darcy qui se tortillait sur son siège, mal à l’aise.

– Oh non ! s’exclama Georgie, c’est un véritable mariage d’amour. Mais d’ailleurs vous devez la connaître, puisque vous étiez à Rosings à Pâques, n’est-ce pas William ? elle se tourna vers celui-ci pour demander confirmation.

Ce dernier acquiesça d’un signe de tête, incapable sur le moment de prononcer un mot, tant il était figé dans son angoisse et sa honte d’avoir trahi son cousin.

Voyant son frère muet, Georgie réalisa qu’elle avait outrepassé ses prérogatives et pensa qu’il devait être courroucé, alors elle s’excusa.

– Oh, je vous demande pardon William, ce n’était point ma liberté de l’annoncer, mais à vous…, finit-elle penaude en baissant les yeux.

– Apparemment, Darcy n’est pas pressé de l’annoncer lui-même, remarqua le militaire en portant un regard appuyé sur son cousin.

– La semaine dernière, j’ai demandé à Miss Elizabeth Bennet de m’épouser et elle a accepté, déclara Darcy qui sortit enfin de sa torpeur, en regardant son cousin droit dans les yeux.

– Miss Elizabeth Bennet ! Oui bien sûr, je me souviens bien d’elle, répondit ce dernier avec un léger sous-entendu dans la voix. Il avait encore cet éclat espiègle dans le regard.

– N’est-elle point charmante ? Je suis sûre que vous l’avez appréciée aussi, demanda Georgiana qui augmentait encore l’inconfort de son frère sans le savoir, et qu’elle fera une excellente épouse pour mon frère. Je suis si heureuse d’avoir une sœur comme elle.

– Je n’en doute point, répondit Richard avec malice dans la voix et les yeux, mais prenez garde, cousin, car je pourrais fort bien décider de vous la voler ! termina-t-il en portant son regard sur celui-ci.

– Vous n’oseriez point faire cela, cousin, dit en riant Georgie inconsciente de l’enjeu réel. Elle connaissait le caractère taquin de son cousin.

Darcy crut que son cœur allait s’arrêter. Il crut être frappé par la foudre par cette réplique qui était parfaitement claire, non seulement Richard savait tout, mais il allait peut-être causer des problèmes. Son cauchemar d’un duel qu’il avait fait, l’été dernier, allait-il devenir réalité ? Pourtant, son cousin avait l’air si calme, trop calme pour quelqu’un qui désirait réparation, il paraissait complètement détendu. Décelait-il même de l’amusement dans ses prunelles ? Ou bien son expérience à Waterloo l’avait-elle rendu encore plus maître de lui-même qu’auparavant ? Darcy était confus, il fut ramené à la réalité par le colonel.

– Darcy, avez-vous encore de cet excellent Brandy que j’ai goûté la dernière fois que je suis venu ? J’avoue que cette nouvelle m’a desséché le gosier. Je le concède, c’est un peu tôt pour en déguster quelques goulées, mais j’ai besoin d’un petit remontant.

C’était une façon subtile, et sans offenser Georgie, d’obtenir une discussion privée avec Darcy qui le comprit fort bien.

O&P.

Les deux hommes s’isolèrent donc dans le bureau de Darcy, qui, en silence, servit dans deux verres la boisson demandée par son cousin. À peine installés, chacun dans un fauteuil, le brun posa distraitement son verre sur un guéridon à son coté et prit la parole, malaisé.

– Richard, vous devez comprendre…

– Que vous m’avez volé la femme que je comptais épouser moi-même ? le coupa le blond.

– Je n’ai pas cherché à… Ah, diantre ! s’exclama Darcy tout en se levant brusquement. Il commença à faire les quatre cents pas en se passant la main dans les cheveux tout en cherchant les bons mots pour expliquer… sa trahison. Mais comment, comment peut-on expliquer une trahison envers un être cher ? Il s’arrêta et se dirigea vers le colonel pour l’affronter.

Mais qu’était-ce donc cette drôle d’expression sur le visage de Richard ? Se demandait Darcy qui observait attentivement la contenance de son cousin qui tapotait son verre avec l’un de ses doigts. Il vit peu à peu son masque de fausse indignation se décomposer jusqu’à ce que…

– Ah ! Ah ! Ah !

Le colonel éclata d’un grand rire franc en se frappant la cuisse valide.

– Ah ! Darcy, je devais revenir de la guerre rien que pour contempler votre visage en cet instant ! dit-il en se levant pour être au même niveau que l’homme contrit et maintenant étonné qui se tenait devant lui, toutes mes plus sincères félicitations cousin, et arrêtez de vous culpabiliser, termina-t-il en lui tapotant gentiment l’épaule avant de lui tendre la main pour la serrer de façon franche et amicale.

Darcy exhala le souffle qu’il n’avait pas eu conscience de retenir.

– Mais… je… je ne comprends pas… Richard… demanda-t-il incrédule.

– J’en aime une autre, déclara le militaire sans ambages et en souriant.

– Mais comment ? demanda Darcy étonné, mais en même temps tellement soulagé.

Il avait l’impression qu’un poids immense venait d’être retiré de ses épaules tout son corps se relâcha et la joie l’inonda à cette nouvelle. Il en oublia de fustiger son cousin de s’être gaussé de lui ainsi.

Le colonel reprit son siège et commença à narrer son histoire. Comment il avait rencontré Lady Cordelia au bal de la Duchesse de Richmond, puis comment le destin l’avait amené à croiser de nouveau son chemin, juste après la bataille de Waterloo, son amnésie ensuite, la façon dont la fille du Marquis de Grantham et lui étaient tombés amoureux. Enfin, le regain de sa mémoire qui l’avait laissé dans le pire des dilemmes, car il était lié par son honneur à Miss Elizabeth, alors que la femme qui avait vraiment dérobé son cœur était la belle rouquine.

– Finalement, Darcy, c’est vous qui me rendez service, en me retirant cette belle épine du pied, conclut-t-il pour soulager la conscience de son frère de cœur.

Il connaissait parfaitement sa tendance à tout endosser, y compris les erreurs des autres, comme il l’avait si souvent fait pour cette crapule de Wickham. Tout était bien qui finissait bien. Enfin presque, car sa mère restait encore à convaincre d’après le discours qu’il avait entendu la veille. Mais il tiendrait campagne pour Darcy et Miss Elizabeth Bennet.

– Je suppose que ce sont vos parents qui vous ont informé. Comment vous ont-ils présenté la chose ? demanda Darcy, curieux de savoir si Lady Claire s’était ravisée quelque peu.

– Vous connaissez ma mère, elle ne sera pas facile à persuader que vous faites le meilleur choix d’épouse, mais nous y veillerons, déclara Richard d’un air confiant.

– Merci de votre bienveillance, Richard, je ne le mérite point.

– Suffit de ruminer dans votre auto fustigation, cousin ! Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour moi, pour Georgie qui adore déjà sa future belle-sœur et aussi pour Miss Elizabeth. Mais dites-moi, comment avez-vous fait pour lui faire changer d’avis ? ne put-il s’empêcher de le taquiner encore un peu, car la dernière fois que je l’ai vue, elle était plutôt disposée à vous… détester.

– C’est une longue histoire, mais pour faire simple, Elizabeth m’a fait prendre conscience de mes égarements, grâce à elle je suis devenu, je l’espère, un homme meilleur.

– Rien que ces derniers mots le prouvent déjà, car vous n’auriez jamais admis cela auparavant, à cause de votre orgueil, remarqua le colonel qui gardait sa franchise.

– Et peut-être aussi, parce que j’ai pris une balle pour elle, lança Darcy comme un trait d’humour.

– Pardon ? vous plaisantez, Darcy ! demanda le colonel en se redressant brutalement de son siège piqué par la curiosité et l’étonnement.

– Non, pas du tout, et vous ne devinerez jamais de qui elle venait ! s’exclama-t-il ménageant le suspense, à lui de titiller un peu son aîné.

Le colonel réfléchît un instant et une intuition lui vint subitement.

– Ne me dites pas qu’il s’agit de ce félon de Wickham ?

– Dans le mille ! si j’ose dire, répondit-il avec un ricanement à cause du double sens.

– Nooon ! mais comment ? crachez le morceau, cousin !

Et Darcy lui raconta toute l’histoire, d’abord de l’invitation à Pemberley faite par Georgie à Lizzie, de l’enlèvement de cette dernière par ce ruffian jusqu’au bannissement de son Némésis jusqu’en Australie.

– Enfin débarrassé de lui, j’espère que sa route croisera un crocodile ou une quelconque maladie tropicale, dit le colonel sans pitié, car il ne serait pas chrétien pour les autres voyageurs de souhaiter que le navire qui le transporte rencontre une tempête qui le fasse sombrer. Ni même pour le crocodile à bien y penser, car si la chair de Wickham est aussi empoisonnée que son cœur et son âme, il serait un danger même pour cet animal, termina-t-il sur un trait d’humour.

– Georgie a confié à Elizabeth son histoire avec Wickham, informa Darcy.

– Eh bien, Miss Elizabeth a vraiment fait forte impression pour que notre Georgie lui confiât un tel secret. Je pense que cette jeune dame lui fera tout autant de bien…, il fit une pause avec une mimique moqueuse, qu’à son frère. Je constate déjà sa bonne influence sur vous deux. Je désespérais de vous voir un jour marié à la bonne personne. Je vous sais très prudent Darcy, mais je craignais que l’une de ces tentatives de compromissions, dont vous avez déjà fait l’objet dans le passé, n’aboutisse un jour, finit-il avant de siroter une gorgée de cet excellent breuvage.

Darcy frissonna à cette idée, la perspective d’être ainsi enchaîné à l’une de celles qui avaient perpétré ces tentatives, des chasseuses de fortune de la pire espèce, lui faisait froid dans le dos. Il songea aussi au triste sort qui attendait Wickham. Cet homme aurait pu avoir un bien meilleur avenir s’il n’avait pas gâché cette opportunité dont feu son père l’avait gratifié, sans parler des multiples secondes chances qu’il lui avait données lui-même en rectifiant toutes ses erreurs : dettes et bâtards. Mais suffit de ressasser le passé, il se recentra sur le présent et en particulier sur celui de son cher cousin.

– Le Marquis de Grantham est-il favorable à votre union avec sa fille ?

– Je ne suis pas sûr, je ne lui ai pas encore fait part de mes intentions, car mon honneur était engagé ailleurs et… il me fallait voir Miss Elizabeth pour connaître sa réponse, répondit Richard l’air sérieux.

– Oui bien sûr, mais en attendant d’être Mrs Darcy, vous devriez l’appeler Miss Bennet, car sa sœur aînée est maintenant mariée à Bingley, remarqua Darcy, mais il ne voulut pas s’attarder sur ce sujet, le souvenir de la romance qui avait débuté entre Richard et sa Lizzie était particulièrement douloureux. Quant à l’approbation du marquis, je ferai mon possible pour vous appuyer. J’ai fait la connaissance de son fils, le comte de Wortham (1), à Cambrige, il était en première année, alors que j’étais dans ma dernière. Il y a quelque temps que je ne l’ai vu, mais nous avions de bonnes relations. Et puis, Lord Beecham ne doit pas être sans ignorer que les Fitzwilliam est l’une des familles les plus influentes de Grande Bretagne.

– Je vous remercie Darcy, dit simplement Richard.

– J’imagine que vos parents approuvent votre choix.

– Oui, surtout que mon père et le marquis se sont déjà croisés dans le passé à la chambre des Lords et que c’est un Whig, lui aussi.

– J’espère que cela vous décidera enfin à quitter l’armée, d’ailleurs comment était-ce à Waterloo ? s’enquit Darcy.

Les deux hommes sirotèrent le reste de leur verre en attendant que Richard ne rassemble ses souvenirs.

– Terrible, vraiment terrible… commença le colonel en secouant la tête, comme pour se débarrasser des images qui lui revenaient en mémoire et pourtant, William, comme vous le savez, j’en avais déjà vu des batailles. J’en fais encore des cauchemars, avoua-t-il les yeux hantés.

Darcy, qui connaissait bien son cousin, sentit qu’il avait besoin de se confier, cela lui arrivait rarement, mais il lui offrirait l’opportunité si tel était vraiment son désir. Ce n’était pas avec sa famille, ou dans son club – au Brook’s – ou dans le beau monde qu’il pourrait vraiment se mettre à nu. Il ne pourrait qu’y afficher sa bravoure de manière dérisoire et sur le ton de la plaisanterie afin de mieux cacher les véritables blessures du corps, mais plus encore celles plus profondes et destructrices qui étaient pourtant invisibles, mais paradoxalement indélébiles : celles qui ravageaient l’âme. Il avait déjà eu l’occasion de partager ses récits lorsqu’il était rentré de la péninsule où il avait passé Noël 1808 et avait rencontré l’année 1809 sur les champs de bataille. Outre les combats, les soldats avaient été épuisés par leur marche et les nombreuses privations qu’ils avaient dû endurer. Puis Richard Fitzwilliam – capitaine de cavalerie à l’époque – fut renvoyé au Portugal peu après, ce fut là-bas qu’il fit la connaissance de celui qui n’était encore que le général Arthur Wellesley. Le conflit s’était éternisé encore durant trois longues années jusqu’à la bataille décisive à Salamanque (2) où la cavalerie avait joué un rôle décisif et Richard par sa bravoure avait, certes, gagné ses galons de colonel, mais avait aussi mis des mois à s’en remettre.

– Vous savez que vous pouvez tout me dire…, dit-il doucement en se penchant pour poser la main sur le bras de son cousin.

Et le colonel Fitzwilliam, devenu soudainement vulnérable, commença son terrible récit …

Chapitre 8 à venir

Ce chapitre vous a-t-il plu ? Qu’avez-vous aimé le plus ? 

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Si l’histoire du colonel dans la bataille de Waterloo vous intéresse, le prochain chapitre sera une reconstitution historique de l’évènement avec Richard au milieu. Cependant, les âmes sensibles s’abstenir, car la description d’une bataille ne va pas sans certains détails qui peuvent déranger. Vous voilà prévenus. Vous pouvez l’ignorer et passer directement au suivant, cela ne gênera en rien la compréhension de la suite de l’histoire.


Notes:

(1) Comte de Wortham : titre inventé, mais le village de Wortham existe et se situe dans le Suffolk.

(2) La bataille de Salamanque ou encore bataille des Arapiles (Battle of Salamanca pour les Britanniques, et Batalha de Salamanca pour les Portugais) est une bataille de la guerre péninsulaire portugaise et de la guerre d’indépendance espagnole remportée par les forces anglo-portugaises qui intègrent pour la première fois une division espagnole, face aux Français dirigés par le maréchal Auguste Frédéric Louis Viesse de Marmont. Elle fut livrée le 22 juillet 1812 sous la gouverne du général Arthur Wellesley (futur Duc de Wellington) près du village d’Arapiles, en Espagne. La victoire alliée (forces anglo-portugaises) est obtenue par la succession d’attaques de sa cavalerie.

Sources : napoleon-empire net

wikipedia



La plupart des personnages de cette fiction appartiennent à sa talentueuse auteure : Jane Austen. Cette histoire et les personnages inventés sont cependant ma propriété et selon les droits d’auteur, je n’en autorise aucune reproduction et/ou utilisation, qu’elle soit totale ou partielle.

O&P

Un grand merci à Lenniee pour la relecture de ce chapitre.

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