Chapitre 10 : réconfort et déception

La sonate de l’amour II : à la conquête du bonheur

Chapitre 10 : réconfort et déception

Le jeune couple resta figé quelques instants avant de recouvrer leurs esprits. Darcy fut le premier à réagir en étreignant Lizzie qui était encore sous le choc de cette terrible confrontation, mais la chaleur des bras protecteurs de son bienaimé effaça rapidement les mauvaises émotions qui laissèrent place au réconfort.

– Oh Lizzie, je suis atterré, mortifié, le comportement de Lady Catherine est abominable, impardonnable ! Je n’ose imaginer tout ce qu’elle a pu vous infliger comme insultes. Comment pourrais-je effacer et me faire pardonner…

– Chut ! l’interrompit Lizzie qui s’écarta légèrement de Darcy pour le regarder dans les yeux en posant son index droit sur les lèvres du jeune homme afin de tarir ses paroles. Le discours de votre tante, elle vit Darcy grimacer à ce rappel du lien qui l’unissait à cette mégère, alors elle reprit, le discours de Lady Catherine n’est point de votre fait. Quand allez-vous cesser, William, de vous reprocher les mauvaises actions d’autrui ? Elle lui caressa tendrement la joue.

– Dites-moi tout ce qu’elle vous a dit, depuis le début, demanda-t-il en la regardant d’un air malheureux.

– Il est inutile de ressasser tout ceci, William, répondit-elle avec détermination. Ne laissons pas Lady Catherine gâcher cet instant, nos moments d’intimité sont si rares, continua-t-elle avec une lueur espiègle dans le regard. Tous les souvenirs désagréables doivent être oubliés. Adoptez ma philosophie, et ne retenez du passé que ce qui peut vous donner quelque plaisir.

– C’est vous qui vous êtes fait vilipender et pourtant, c’est vous qui me réconfortez, très chère et charmante Elizabeth. Vous êtes incroyable, je suis tellement fière de vous, déclara-t-il le regard plein d’admiration.

En effet, Darcy était si fière d’avoir pu gagner le cœur d’une jeune femme si forte. La plupart des femmes, y compris celles d’expérience et plus matures se seraient laissées impressionner et auraient cédé en pleurant, mais pas Elizabeth, pas son Elizabeth. Elle lui souriait même malicieusement.

– Alors qu’attendez-vous pour me le montrer ? le défia-t-elle avec impertinence.

Durant une seconde Darcy se demanda bien ce qu’elle voulait signifier, puis en sondant son regard il comprit très vite et il se mit à sourire.

– En aucun cas je ne voudrais vous priver d’un plaisir, répondit-il avant de se pencher vers elle.

Le baiser était plein de tendresse, leurs lèvres se caressaient atténuant peu à peu les blessures que d’autres avaient infligé en crachant leur venin. Puis Lizzie s’écarta, car assaillie d’une inquiétude en se rappelant soudainement la dernière menace de Lady Catherine.

– Mais comment pensez-vous que réagira le Comte de Matlock ? Et Lady Claire ?

– Je pense qu’il est heureux qu’ils aient pu faire votre connaissance avant, dit-il vaguement, nous aviserons en temps voulu, finit-il en lui effleurant la joue.

Darcy pensait que Lady Claire serait probablement sensible à certains des arguments de Lady Catherine, mais il savait aussi que la première n’appréciait guère la dernière qui se mêlait de tout et de tous. Mais pour l’instant il avait hâte de partager autre chose.

– Mais venez Lizzie, asseyons-nous, car j’étais venu porteur d’une grande nouvelle, déclara-t-il en l’entrainant vers le sofa.

– Quelle est donc cette grande nouvelle ? demanda-t-elle avec curiosité, une fois installés.

– Le colonel Fitzwilliam m’a rendu visite ce matin-même, répondit-il joyeusement.

– Ooh ! Comment se porte-t-il ? demanda Lizzie avec excitation.

– Le mieux possible considérant toutes les épreuves qu’il a endurées, répondit Darcy, une ombre passa dans ses yeux en pensant au terrible récit du colonel.

Lizzie interpréta mal l’expression de son fiancé, elle pensa que les deux hommes avaient dû avoir une discussion difficile, la guerre bien sûr, mais aussi surement à cause de ses fiançailles avec William.

– Est-il bien remis de ses blessures ? commença-t-elle prudemment.

– Ses blessures physiques, oui, même si j’ai pu observer une légère claudication. Ce qui me préoccupe le plus est son état émotionnel… il s’interrompit.

– La véritable guerre n’est pas la scène enfantine des soldats de plomb. Je n’ose imaginer…

– N’imaginez point, je vous prie Lizzie, c’est trop atroce, dit-il en secouant la tête.

Lizzie observa William silencieusement quelques instants avant de reprendre en changeant de sujet, car une autre question la taraudait.

– Et lui avez-vous parlé de… de nous ? demanda-t-elle en murmurant et en le regardant droit dans les yeux pour y découvrir la réponse avant les mots.

– Je n’ai pas eu à le faire, car les Matlock l’avait déjà mis au parfum. Et vous connaissez mon cousin, il ne s’est pas privé de me le faire comprendre…

– Vous voulez dire que vous vous êtes brouillés ? demanda Lizzie angoissée en portant sa main droite sur sa poitrine.

– Oh, non, Lizzie ! s’exclama Darcy en réalisant le double sens de ses paroles. Non, en fait, le colonel est tombé en amour avec sa « garde-malade », termina-t-il avec un sourire en coin.

– Sa garde-malade ? demanda Lizzie perplexe en haussant les sourcils.

– Il serait indiqué que je commence par le début…

Et Darcy raconta toute l’histoire de la rencontre de Richard avec Lady Cordelia.

– Je suis tellement soulagée ! s’exclama Lizzie en lâchant un soupir à la fin du récit.

– De ne plus avoir à choisir entre Richard et moi ? la taquina-t-il.

– William, vous êtes impossible ! le réprimanda-t-elle en lui donnant une légère tape sur son avant-bras.

– Il faut dire que je suis à bonne école, remarqua-t-il avec humour.

Ils furent interrompus par un coup frappé à la porte. Jane, inquiète, venait s’enquérir si tout allait bien, mais en voyant le couple joyeux elle fut rassurée. Elle se retira en laissant, toutefois, la porte entrouverte.

– Avec tous ces évènements, je ne vous ai pas encore demandé, ma douce, avez-vous aimé Darcy House ?

– Ah, il faut dire que depuis moins d’une semaine depuis que nous sommes fiancés, nous avons eu des émotions, remarqua Lizzie. Darcy House est plus spacieuse que je ne m’y attendais, c’est vraiment une belle demeure et si bien située.

– Et le personnel vous a-t-il fait bonne impression ? s’enquit-il.

– Depuis combien de temps Mrs Levingstone travaille pour votre famille ? demanda Lizzie qui évita de répondre à la question immédiatement.

– Elle est entrée à notre service… il réfléchit en se grattant le menton, je devais avoir huit ou neuf ans, elle a commencé comme femme de chambre.

– Elle a donc connu vos parents, déduisit-elle.

– Oui, surtout ma mère car ses défunts parents ont été au service des Matlock – à l’époque de mes grands-parents −, elle l’a donc connue dès son enfance et elle s’entendait très bien avec elle ; j’espère que ce sera le cas avec vous aussi, avança-t-il ignorant tout de l’échange assez tendu entre les deux femmes.

« J’en doute fort » pensa Lizzie, mais pour l’instant elle ne fit pas part de ses doutes à William. Il serait toujours temps d’en parler après le mariage lorsqu’elle séjournerait à Darcy House. Ce serait une difficulté à surmonter, car visiblement, son fiancé avait du respect pour sa femme de charge.

– Ne vous inquiétez pas Lizzie, c’est une femme très compétente, ajouta Darcy ayant observé un certain doute dans l’expression de la brune. Il pensait que Lizzie ressentait un peu d’appréhension à l’idée d’avoir à gérer une résidence dans les beaux quartiers de Londres. Il décida de changer de sujet afin d’alléger son humeur.

– Quels sont vos projets pour demain ?

– Mis à part assister à l’office avec ma famille, je n’ai rien de précis.

– Une promenade dans Hyde Park, après dîner, vous tenterait-elle ?

– Durant les heures mondaines, Mr Darcy ? demanda-t-elle en haussant son sourcil gauche.

Maintenant, il connaissait cette expression, elle signifiait qu’elle le provoquait gentiment, surtout en l’appelant si formellement.

– Je relève le défi bien volontiers, Miss Bennet, répondit-il avec un petit sourire en coin. Il est temps que l’on apprenne que je ne suis plus sur le « marché du mariage. »

– Et moi qui pensais que c’était pour vous pavaner à mon bras, dit-elle sur un ton faussement blessé en secouant doucement la tête.

– Mais cela aussi, il adorait son sens de l’humour. Quoi qu’il en soit, l’annonce paraitra dans les journaux, cette semaine, termina-t-il avec enthousiasme.

 

O&P

 

Pendant ce temps-là, aussitôt sortie de la résidence des Bingley, Lady Catherine se rendit chez les Matlock pour leur conter sa visite. Elle rapporta en substance sa conversation avec Elizabeth, appuyant avec emphase sur toutes les paroles qui, à son sens, prouvaient la perversité et l’impudence de la jeune fille, persuadée qu’avec un tel récit elle obtiendrait de son frère et de sa femme la promesse de s’opposer à ce honteux mariage. Elle termina son récit avec outrage :

– Darcy m’avait dit qu’il renonçait à épouser Anne, mais j’étais loin d’imaginer que c’était pour épouser une moins que rien. Et l’impudence dont elle a fait montre ! Avoir osé refuser de répondre à mes exigences, à moi, la fille et la sœur d’un comte, plusieurs fois et avec un tel aplomb ! C’est inouï ! Jamais personne n’avait osé me traiter de la sorte. Vous devez intervenir Matlock et interdire cette mascarade !

Mais, malheureusement pour Sa Grâce, l’effet produit fut exactement le contraire de celui qu’elle avait escompté. En effet, même Lady Claire, qui était des plus réservée concernant Miss Bennet, ne put s’empêcher d’admirer l’attitude de la jeune femme vis-à-vis de sa belle-sœur. Elle reconnut au fond d’elle-même que la jeune femme avait su tenir tête à Lady Catherine ce que peut d’êtres sur cette Terre osaient faire, surtout à un aussi jeune âge. En fait, elle n’avait jamais rencontré de jeunes femmes qui aient su l’affronter avec intelligence et fermeté. Miss Bennet avait ainsi monté dans son estime. Elle laissa son époux répondre à cette mégère.

– Vous savez très bien ma chère sœur que Darcy est son propre maître.

– Mais vous devez user de votre influence et le menacer de les battre froid en public, lui et cette arriviste, s’il persistait dans sa folie. Et l’obliger à épouser Anne.

– Darcy n’épousera jamais Anne, quoi qu’il en soit. Vous devez bien vous rendre compte, qu’elle sera incapable de lui enfanter un héritier. Le comte décida qu’il était grand temps que sa sœur devait enfin admettre que ce projet de mariage était ridicule, une chimère.

– Comment osez-vous ? s’écria-t-elle indignée en portant sa main sur sa poitrine.

– Enfin, Cathy, soyez raisonnable ! Anne n’est pas en santé, vous le rappelez bien assez souvent, vous-même ; alors risqueriez-vous la vie de votre propre fille si elle arrivait malgré tout à concevoir ? Il voulait jouer sur sa fibre maternelle.

– Mais … mais, bagaya-t-elle, mise au pied du mur. Mais que deviendra Rosings ? Anne ne peut épouser nul autre que Darcy ? Un autre que lui pourrait me chasser dans la maison de la douairière ! Lady Catherine s’inquiétait aussi de son avenir. Et si Anne reste sans époux et devait me devancer dans la tombe, nous ne pouvons pas laisser le domaine tomber entre les mains du cousin de Lewis ? il risque de tout dilapider dans ses chevaux et en paris insensés !

– Ah, voilà le fond du problème ! Vous avez peur de perdre votre vie luxueuse.

– Je crains aussi pour la réputation des Fitzwilliam ! Ajouta-t-elle offensée.

– Notre réputation est bien assez grande pour supporter cela, et ne pensez-vous pas qu’elle ne serait point davantage ternie s’il rompait son engagement ?

– Ma chère sœur, s’adressa-t-elle à Lady Claire qui était restée muette, jusqu’à présent, vous ne dites rien ? Pourtant, je suis sûre que vous êtes de mon avis concernant ce mariage odieux !

– Lady Catherine, ce mariage ne m’enchantait guère, mais depuis que j’ai fait la connaissance de Miss Bennet, je dois bien avouer qu’elle ne manque pas de caractère. Cela lui sera aussi fort utile pour naviguer au sein de notre milieu et affronter les harpies, répondit-elle en ajoutant mentalement, telles que vous-même. Elle ajouta ensuite, de plus, elle possède des manières irréprochables, contrairement à beaucoup d’entre elles, continua-t-elle en pensant à sa belle-sœur.

– On voit bien que vous n’avez jamais rencontré sa famille ?

– J’ai fait la connaissance de sa sœur aînée il y a peu, et je ne trouve rien à lui reprocher.

– Mais vous ne connaissez pas le reste de sa famille.

– Parce que vous, oui ?

– Non, mais mon pasteur est allé passer quelques jours dans le domaine de leur père. Il m’en a fait un rapport des plus détestables…

« Je n’en doute pas » pensèrent les Matlock qui connaissaient le genre de sycophantes qu’elle avait l’habitude d’employer à son service.

– … Toutes les cinq filles étaient sorties dans le monde avant même que les aînées ne soient mariées. Les plus jeunes ont des manières déplorables…

« Pas plus que vous dans cette affaire »

– … La mère est de basse extraction et …

– Darcy ne changera pas d’avis, vous savez bien à quel point il est entêté. Le comte, agacé, avait décidé de couper court à cette diatribe stérile. Et je ne compte plus l’en dissuader, assena-t-il d’un ton ferme. J’ajouterais aussi que si vous vous en mêlez en faisant une action stupide, c’est moi qui vous battrai froid en public, ma chère sœur. N’oubliez pas que le chef de famille, comme vous me l’avez si bien rappelé plus tôt, c’est moi, acheva-t-il.

– Bonté du ciel ! s’exclama-t-elle. Votre attitude envers moi est odieuse, mon frère, cette pimprenelle vous aura donc aussi tourner la tête ! Est-ce que tous les mâles de cette famille auront donc été ensorcelés ? cracha-t-elle de dépit.

Lady Catherine comprit que la menace de son frère était à prendre au sérieux, elle dut s’avouer vaincue à son plus grand désespoir.

– Puisqu’il en est ainsi, je me retire, annonça-t-elle dépitée en se levant.

– J’en suis fort aise, répondit le comte.

Chapitre 11 à venir


Dans le prochain chapitre, des nouvelles des Bennet, la balade dans Hyde Park

 

 

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