Chapitre 11 : Hyde Park
La sonate de l’amour II : à la conquête du bonheur
Chapitre 11 : Hyde Park
Le lendemain de la visite, de Lady Catherine Lizzie se prépara avec grand soin pour sa promenade dans Hyde Park. Elle choisit sa plus belle tenue de jour avec quelques accessoires prêtés par Jane. Elle savait qu’elle allait probablement rencontrer des connaissances de William et elle voulait lui faire honneur. Elle changea même de coiffure grâce à la femme de chambre de sa sœur qui lui conseilla d’arranger ses cheveux à la dernière mode de la ville. Elle se contemplait dans le miroir et elle était plutôt satisfaite le résultat. Les boucles qui caressaient l’ovale de son visage flattaient ses traits. Elle mit un boléro assez chaud, la journée était plutôt belle, mais en ces jours d’automne déjà un peu frais, il n’était pas question de prendre froid et retomber malade.
Son cœur se mit à battre plus vite et plus fort dès qu’elle aperçut William et elle ressentit des papillons dans le ventre lorsqu’il lui prit la main pour l’aider à monter en voiture, tout en la regardant avec intensité.
– Vous êtes ravissante Elizabeth, vous avez changé de coiffure ? Cela vous va à ravir, ajouta-t-il, tout en pensant : j’aimerais bien être à la place de ces boucles insolentes qui caressent amoureusement votre nuque et vos joues...
– Merci william ! Je suis heureuse de savoir que ce changement vous plaise.
Ils étaient accompagnés de Jane et de Georgiana qui leur servaient de chaperon. Ils arrivèrent quelques minutes plus tard au cœur de la capitale britannique, là où la fumée des cheminées se mêlaient aux brumes éternelles de l’Albion, là où s’étendait un écrin de verdure que la main de l’homme, guidée par le génie de la nature, avait façonné en un lieu de délices et de contemplation : Hyde Park. Alors que les fiacres et les cavaliers animaient les rues pavées de Londres, le parc se dressait comme un havre de paix, un refuge où les âmes fatiguées par le tumulte de la ville venaient chercher repos et inspiration.
Les vastes pelouses, d’un vert profond et velouté, s’étiraient à perte de vue, caressées par les zéphyrs qui murmuraient à travers les frondaisons des chênes centenaires et des hêtres majestueux. Les arbres, tels des gardiens silencieux, déployaient leurs branches en une voûte naturelle, offrant un rempart face aux vents pour les promeneurs qui arpentaient les allées sinueuses. Ici, les dames en robes empesées déambulaient avec grâce, tandis que les messieurs, haut-de-forme en tête et redingote ajustée, échangeaient des propos savants ou des regards furtifs.
Mais c’est la Serpentine, ce lac artificiel aux courbes gracieuses, qui conférait à Hyde Park son charme le plus envoûtant. Tel un ruban d’argent posé sur l’émeraude des gazons, elle serpentait avec une élégance naturelle, reflétant le ciel changeant de la capitale et les nuages qui défilaient comme des voiles légers. Ses eaux, tantôt calmes comme un miroir, tantôt agitées par le souffle du vent, abritaient une vie secrète : les canards, fiers et bruyants, glissaient à sa surface, tandis que les cygnes, rois blancs de ce domaine aquatique, y traçaient des sillons majestueux. Les berges, parsemées de roseaux et de massifs fleuris, invitaient les rêveurs à s’asseoir et à contempler le ballet des reflets, où le ciel et la terre semblaient se confondre.
Cet Éden était le théâtre de scènes pittoresques : ici, un jeune couple échangeait des regards furtifs ; là, un vieux monsieur, assis sur un banc de fer forgé, lisait son journal à l’abri d’un chêne centenaire. Des officiers en uniforme discutaient encore de leur victoire à Waterloo. Les enfants, libérés des contraintes de l’étiquette, couraient derrière leurs cerceaux et riaient, leurs voix claires résonnant comme une mélodie joyeuse. Les barques légères, louées pour quelques pennies, sillonnaient la Serpentine, emportant des couples amoureux ou des familles en quête de divertissement. Les rires et les éclats de voix se mêlaient au bruissement des feuilles, créant une symphonie vivante qui célébrait la douceur de vivre.
Non loin, Elizabeth aperçut l’Orangerie, chef-d’œuvre de l’architecture Georgienne, qui rappelait par ses arcs élégants et ses fenêtres en arcade les jardins à la française. Elle l’avait visitée l’an dernier avec les Gardiner et se souvenait des serres qui abritaient des plantes exotiques rapportées des quatre coins de l’Empire. Quelque part, étrangement, ce parc lui rappelait un peu celui de Pemberley, le tumulte en plus.
L’automne, bien que saison mélancolique, parait les arbres de feu et d’or, tandis que les feuilles mortes, tourbillonnant dans l’air, tapissaient les allées d’un tapis doré en attendant l’hiver, qui bientôt, envelopperait le parc d’un silence cotonneux, et figerait la Serpentine en un miroir de cristal où patineraient les audacieux.
Le groupe se dirigea vers les allées les plus fréquentées. Mr Darcy voulait montrer à toute la bonne société londonienne qu’il n’était plus sur le marché des célibataires. Il était fier de se promener avec à son bras celle qu’il considérait comme étant la plus belle jeune femme parmi ses connaissances. Il savait bien que la beauté était toute relative et subjective. Alors que sa sœur Jane était considérée comme la beauté de la famille, pour lui, Lizzie était plus ravissante, ses yeux pétillants remplis d’intelligence, de douceur mais aussi si vivants et intenses quand ils exprimaient l’amour, mais aussi la colère. Il avait déjà pu goûter aux deux sentiments. Non, décidément, Jane n’était pas à son goût malgré sa grande beauté classique. Il pouvait observer les deux sœurs encore à ce moment, et la blonde était beaucoup trop souriante envers tout le monde, trop affable, jamais une parole plus haute l’une que l’autre ; finalement elle était parfaitement assortie à son ami Bingley. Il ressentit un peu de honte et de culpabilité à comparer ainsi les deux sœurs, mais l’amour avait raison eu de lui. Sa future femme le faisait vibrer comme jamais auparavant. Elle lui insufflait la vie, les émotions ; auprès d’elle il se sentait vivant. Jusqu’ici sa vie avait toujours été remplie de devoirs envers sa sœur, sa famille, envers Pemberley et les employés qui étaient sous sa responsabilité. Il n’avait même pas pu effectuer son grand tour après Cambridge, le décès de son père l’ayant appelé précocement à ses responsabilités. Maintenant, et avec la paix revenue sur le continent, il envisageait de voyager, de découvrir l’Italie par exemple avec son épouse et cela n’en serait que mieux et plus agréable. Il pensa aussi à certaines activités … réservés aux époux qu’il attendait avec anticipation. Il se racla la gorge, se réprimandant intérieurement pour avoir eu de telles pensées en compagnie.
– Qu’y a-t-il William ? s’inquiéta Lizzie qui interpréta ce son comme destiné à attirer son attention.
– Euh… non… rien, bredouilla-t-il gêné. Juste un chatouillement dans la gorge. Ou ailleurs…
Lizzie sentit qu’il était gêné mais ne comprit pas pourquoi. Elle lança un regard perplexe à sa sœur qui lui sourit en réassurance. Jane, en tant que femme mariée, avait compris le regard intense avec lequel il avait observé et admiré sa cadette, c’était le même type de regard qu’elle recevait de la part de Charles.
Mr Darcy présenta Lizzie chaque fois qu’ils croisèrent des connaissances. Au détour d’un chemin, ils rencontrèrent Mr et Mrs Morton avec leur fille Sophia. La demoiselle avait débuté dans la société lors de la dernière saison. C’était l’une des nombreuses familles qui espérait s’unir avec les Darcy, mais en vain. Après les salutations de rigueur, les présentations furent faites. Mrs Morton était dépitée de rencontrer la future Mrs Darcy et qui ne serait pas sa fille. Mais qui était cette donzelle qui allait mettre le grappin sur l’un des célibataires les plus en vue ? Elle observa Élisabeth avec condescendance, épiant le moindre de ses gestes, regard, détaillant sa tenue avec un certain mépris ; visiblement elle ne faisait pas partie de leur monde. Mais où donc Mr Darcy avait été pêcher cette inconnue ? Après quelques paroles échangées elle apprit qu’elle venait de la campagne ! Alors elle ne put s’empêcher de commenter.
– À ce que je vois, Mr Darcy, vous avez préféré la rusticité de la campagne au raffinement de la ville, remarqua-t-elle avec un sourire mesquin tout en dévisageant une fois de plus Elizabeth de la tête au pied.
Georgiana était scandalisée par cette vile remarque mais n’osa pas rétorquer face à l’une des matrones de la haute société. Jane se demanda si elle avait bien compris. Mr Morton ne peut s’empêcher d’émettre un petit rire, tandis que la jeune Sophia se mit à rougir un peu gênée. Lizzie se sentit offusquée mais ce fut son fiancé qui prit la parole :
– J’ai surtout préféré le bon air vivifiant et pur de la campagne à l’odeur nauséabonde et viciée que nous trouvons bien trop souvent dans nos cités, répondit Darcy avec le même double sens, tout en posant une main affectueuse et protectrice sur celle que sa bien-aimée avait sur son bras. Puis il ajouta en saluant : nous vous souhaitons une belle promenade et une bonne fin de journée.
Si Mrs Morton avait eu un pistolet à la place des yeux les futurs époux auraient succombé derechef.
C’était la première fois que Lizzie se sentait défendue par quelqu’un, sa mère qui la critiquait ouvertement et son père qui se moquait toujours même gentiment ne l’avaient pas habituée à un tel sentiment de confiance, de bienveillance. Darcy était son chevalier en armure, même si elle n’en avait jamais eu besoin pour se défendre, c’était agréable de savoir qu’il y avait une personne qui la protégerait toujours. Elle offrit à son fiancé un regard plein de gratitude, ce dernier désirait adoucir la situation.
- Ne vous formalisez pas Elizabeth, la bienséance n’est malheureusement pas l’apanage de toute la haute société.
Lizzie répondit alors avec espièglerie :
- Un espoir déçu, je suppose ?
La question était rhétorique, Darcy rit à sa perspicacité.
- Vous avez bien deviné.
- Aucun regret ? Questionna-t-elle sur un ton taquin.
- Absolument aucun, je vous assure, déclara-t-il sur un ton ferme et définitif en faisant signe non de la tête.
- Et moi non plus ! Je ne voudrais pas d’autre sœur que vous Lizzie, ajouta Georgiana sur un ton enjoué ce qui fit rire les trois autres.
La promenade se poursuivit sans aucun autre incident marqué, mais beaucoup de regards s’attardèrent sur le nouveau couple que formait Darcy et Elizabeth. Des chuchotements furent échangés, il était facile de deviner quel était leur sujet de discussion. Mr Darcy n’était plus sur le marché des cœurs à prendre, mais qui était cette inconnue qui avait remporté le trophée ?
O&P
Le lendemain de la visite à Hyde Park, Mrs Bennet arriva, enfin ! Du moins pour elle car pour Lizzie ce serait le début des jérémiades, dans un concert de conseils pas toujours avisés et d’exigences en particulier sur les tenues de ses plus jeunes sœurs, surtout Lydia la préférée de sa mère.
Mrs Bennet avait exigé de son époux une somme plutôt conséquente argumentant que pour le mariage du neveu d’un conte il faudrait se montrer avec les meilleurs atours.
- Rendez-vous compte monsieur Bennet ! Lydia ou Kitty pourrait rencontrer leurs futurs époux parmi les pairs de monsieur Darcy.
- Vous oubliez Marie, madame Bennet !
- Oh monsieur Bennet ! il faut toujours que vous me taquiniez ! Marie n’est pas aussi jolie ou pleine de vie que Lydia ; tout au plus, elle épousera un pasteur comme Miss Lucas, enfin Madame Collins maintenant. Ah ! si seulement Marie avait épousé monsieur Collins le domaine serait resté dans la famille, je ne comprendrai jamais cette histoire d’entail. Ah mes pauvres nerfs ! Mais au moins maintenant je sais que je ne finirai pas à la rue avec un gendre aussi riche !
- Pourtant il me semble que vous vouliez que ce soit Lizzie qui épousât mon cousin. Imaginez que vous ayez eu gain de cause, vous ne seriez pas en train de vous préparer à assister au mariage d’un pair, répondit-il d’un air mi-taquin mi-moqueur.
- Ah ! et avec tous les tracas qui vont avec, il nous faudra de nouvelles tenues avec de la broderie de qualité supérieure, des rubans…
- Non ! Ne me parlez pas encore friperie ! Vous aurez de quoi satisfaire vos envies Madame Bennet. Sur ce, je vais dans mon bureau et que personne ne me dérange !
C’est ainsi que Madame Bennet obtint une coquette somme. Alors dès son arrivée et sans plus attendre, elle commença à harceler Lizzie pour faire des emplettes.
- Je vais demander à Monsieur Gardiner de me montrer ses plus belles étoffes. Il faudra aussi vous constituer un trousseau digne de la future Madame Darcy, Lizzie ! Quelle somme cela va nous coûter !
- Maman ne vous inquiétez pas de cela, monsieur Darcy se charge de payer les factures.
- Grand bien lui fasse après tout il est si riche ! Dix mille livres de rente, Lizzie ! Quels beaux attelages vous allez avoir et les bijoux, les tenues en soie…
Lizzie pensa, mais se garda bien de le révéler à sa mère : et si vous saviez qu’en fait c’est bien davantage…
La jeune femme s’inquiétait aussi de la rencontre entre sa mère et sa belle-famille, et même plus tard avec ses plus jeunes sœurs. Elle ne se sentait pas très à l’aise de l’admettre, mais elle savait que sa mère pourrait lui faire honte avec des remarques déplacées, des caprices et ses effusions habituelles. Comment aller réagir les Fitzwilliam ? Ils s’étaient montrés assez distants voire méfiants, au mieux indifférents. Elle osait à peine confier ses craintes à son futur époux, la glace était bien sûr complètement brisée entre les deux fiancés, mais elle sentait encore une certaine intimidation. C’était étrange car elle n’avait jamais ressenti cela alors qu’ils se connaissaient à peine, lors de son séjour à Rosings Park. Était-ce le fait d’être en amour ? La peur de décevoir l’autre, l’être aimé ? Elle qui avait toujours fait fi de ce que l’on pouvait penser d’elle. La première proposition de mariage catastrophique de monsieur Darcy l’avait atteinte dans son amour-propre et cela avait laissé quelques blessures au plus profond d’elle-même.
Mrs Bennet avait apporté avec elle des lettres de ses sœurs pour Lizzie. Elle se mit à les lire dans l’ordre décroissant de leur âge. Elle grimaça à l’idée du style et de l’orthographe désastreux, ainsi que les requêtes qu’elle ne manquerait pas de trouver dans celle de Lydia. Elle ne fut pas déçue…
Ma chère Lizzie,
Je suis très triste car étant malade, ma mère n’a pas voulu que je l’accompagne à la ville. Kitty a atrappé ma maladie, elle ne peut donc pas y aller non plus, là ! Quelle plaisanterie, je suis morte de rire ! Et je ne comprend pas Mary qui a refuser d’y aller ! Quelle idiotie ! Elle est si barbante avec ses leçons de morale à décrire Londres comme un lieu de perdition pour une jeune fille. Elle finira vieille fille, à ne point douté.
Laissez-moi vous féliciter pour vos fiançailles avec Mr Darcy. Il est bien trop ennuyeux à mon goût, mais si riche, alors j’espère que vous penserez a gâter vos petites sœurs. Notamment, j’aurai besoin de nouveaux rubans et aussi de la dentelle rose pour embelir la robe que je portai au bal donné par Mr Bingley l’an dernier ; ainsi modifiée, on pensera qu’elle est nouvelle. Bien sûr, c’est en attendant de me faire une nouvelle tenue à la dernière mode, car ma mère m’a dit que nous en aurons chacune une pour votre mariage. Sinon, comment pourrai-je attraper un bel officier si je ne me met pas à mon avantage ?…
– Ah ! Lydia, Lydia, toujours aussi frivole, ne put-elle s’empêcher de soupirer avant de terminer la lettre de sa benjamine qui continuait sur le même ton.
Chapitre 12 à venir

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